Sur les hauteurs de Beitunia, en Cisjordanie occupée, une scène peu ordinaire se déroule. Des dizaines de personnes sont rassemblées sur une colline surplombant la prison militaire israélienne d’Ofer. Tous attendent avec impatience et émotion la libération de plus de 90 détenus palestiniens, principalement des femmes et des enfants, dans le cadre de la trêve négociée entre Israël et le Hamas.
Une communion dans l’attente
Malgré le froid piquant qui s’installe avec la tombée de la nuit, les familles et proches des prisonniers tiennent bon. Certains ont allumé des feux pour se réchauffer alors que l’attente se prolonge. Amanda Abou Charkh, 23 ans, venue de Ramallah avec ses parents, témoigne de ce moment si particulier :
On est venu ici pour voir, et être en communion avec toutes les familles des prisonniers qui sont libérés aujourd’hui.
Amanda Abou Charkh, témoin
Pour elle, comme pour beaucoup d’autres rassemblés ici, les détenus qui vont sortir ce soir sont « comme des membres de leur famille ». L’émotion est palpable, l’impatience grandit à chaque mouvement perçu aux abords de la prison.
Partager la joie des retrouvailles
Mohammad, un jeune homme de 20 ans récemment libéré d’Ofer, est venu avec des collègues. Hors de question pour eux de partir avant d’avoir vu la libération de leurs proches. Mohammad confie ressentir « une grande joie » pour les familles qui vont enfin retrouver les leurs.
Sur un rond-point proche de la route menant à la prison, la ferveur monte. Des centaines de personnes, drapeaux palestiniens et du Hamas à la main, chantent en attendant l’arrivée des bus transportant les prisonniers libérés. Tous espèrent être les premiers à les accueillir.
Le lourd tribut des familles
Parmi la foule, une jeune fille de 18 ans attend sa mère, arrêtée en janvier 2024. Entourée de sa tante, son frère et sa sœur, elle s’attend à « beaucoup de larmes » quand elle pourra enfin serrer sa mère dans ses bras. Cette dernière, infirmière, a été emprisonnée pour avoir prétendument écrit ou aimé des messages sur les réseaux sociaux en soutien à des activistes palestiniens.
Ouday, un homme dont le fils est en détention, relate une histoire similaire. Arrêtés tous les deux au début de la guerre pour des messages sur les réseaux sociaux, seul Ouday a été libéré. Bien que son fils ne fasse pas partie des prisonniers relâchés ce soir, il a tenu à venir partager la joie des autres familles.
J’ai été en prison, et je sais ce qui s’y passe.
Ouday, père d’un détenu
Plusieurs organisations de défense des droits humains ont en effet dénoncé les conditions de détention des prisonniers palestiniens en Israël.
Espoirs d’un nouveau départ
Cette libération de plus de 90 prisonniers, dont une majorité de femmes et d’enfants, s’inscrit dans le cadre de la trêve négociée entre Israël et le Hamas. Ce premier jour du cessez-le-feu voit ainsi les otages israéliennes relâchées à Gaza en échange de détenus palestiniens.
Parmi les prisonniers devant être libérés dans les prochaines semaines, beaucoup ont été placés en détention administrative, un régime controversé permettant d’emprisonner des personnes sans inculpation ni communication des charges pesant contre elles. D’autres purgent de lourdes peines pour leur implication présumée dans des attaques ayant causé la mort d’Israéliens.
Si cette trêve et ces libérations sont porteuses d’espoir pour de nombreuses familles, le chemin vers une paix durable semble encore long et semé d’embûches. Mais pour les proches des détenus libérés, c’est un nouveau départ qui s’annonce. Et rien que pour ces instants de bonheur partagé, cela en valait la peine d’attendre de longues heures dans le froid de cette colline de Cisjordanie.