C’est un véritable coup de théâtre diplomatique qui vient de se jouer entre la France, le Maroc et le Burkina Faso. Après un an de détention dans les geôles burkinabè, quatre fonctionnaires français accusés d’espionnage ont finalement été libérés grâce à l’intervention inattendue et cruciale du royaume chérifien. Une médiation réussie qui témoigne du réchauffement spectaculaire des relations entre Paris et Rabat ces derniers mois, après une période de froid.
Le Maroc, artisan discret d’une libération tant espérée
Selon des sources proches du dossier, c’est bien l’intervention directe du roi Mohammed VI auprès du président burkinabè Ibrahim Traoré qui a permis de débloquer la situation de ces quatre Français, présentés à tort comme des agents de la DGSE. Le souverain a su mettre à profit les excellentes relations qu’il entretient avec le chef de la junte de Ouagadougou, arrivé au pouvoir par un coup d’État en septembre 2022, pour obtenir leur libération.
Cet acte humanitaire a été rendu possible grâce à l’excellence des relations qui lient Sa Majesté le roi au président Traoré et aux bonnes relations unissant de longue date le royaume du Maroc et la république du Burkina Faso.
Le ministère marocain des Affaires étrangères
Une prouesse diplomatique saluée par le président français Emmanuel Macron lui-même, qui s’est fendu d’un appel téléphonique à Mohammed VI pour le « remercier chaleureusement de la réussite de la médiation ». Un geste fort qui en dit long sur le rapprochement en cours entre les deux pays, après une brouille de près de trois ans.
Des relations franco-burkinabè au plus bas
La libération des quatre Français est intervenue dans un contexte de fortes tensions entre Paris et Ouagadougou. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Ibrahim Traoré, le Burkina Faso n’a cessé de prendre ses distances avec l’ancienne puissance coloniale, allant jusqu’à expulser l’ambassadeur français et à dénoncer unilatéralement les accords de coopération militaire avec l’Hexagone.
Ouagadougou a également formé avec le Mali et le Niger l’Alliance des États du Sahel (AES), une nouvelle structure visant à combattre les groupes jihadistes, mais aussi à s’émanciper de l’influence française dans la région. Un revirement stratégique qui s’est accompagné d’un rapprochement marqué avec la Russie, au grand dam de Paris.
Paris et Rabat, la fin de la brouille ?
Dans ce contexte tendu, le succès de la médiation marocaine représente une véritable prouesse diplomatique. Il intervient surtout au moment où la France et le Maroc viennent de sceller leur réconciliation, après trois années de crise provoquée par des tensions sur plusieurs dossiers sensibles, dont celui du Sahara occidental.
Le tournant a eu lieu fin juillet, lorsque Paris a apporté un soutien clair au plan d’autonomie marocain pour ce territoire disputé, considérant qu’il s’agissait de « la seule base » pour résoudre le conflit avec les indépendantistes du Front Polisario. Un revirement spectaculaire récompensé par la visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc en octobre, marquant le retour des relations franco-marocaines au beau fixe.
Cette réconciliation pourrait toutefois avoir un prix pour la France : celui d’une brouille durable avec l’Algérie, principal soutien du Polisario et grand rival régional du Maroc. Alger n’a d’ailleurs pas manqué de convoquer l’ambassadeur français début décembre pour protester contre le rapprochement Paris-Rabat et de possibles « opérations de déstabilisation » de l’Algérie fomentées par la France. Des accusations vivement rejetées par la diplomatie française.
Vers un nouveau partenariat stratégique franco-marocain ?
Au-delà de la libération des quatre Français, le véritable enjeu pour Paris et Rabat est désormais de capitaliser sur ce succès pour redéfinir leur partenariat stratégique. Le signe le plus tangible a été l’invitation lancée par Emmanuel Macron à Mohammed VI de venir signer en 2025, à l’occasion du 70e anniversaire de l’indépendance du Maroc, un nouveau traité bilatéral.
Ce nouveau pacte devrait englober un volet sécuritaire renforcé, avec une coopération accrue dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, mais aussi un important volet économique. La France entend notamment soutenir les ambitions du Maroc de devenir une plateforme industrielle et un hub énergétique incontournable en Méditerranée et en Afrique.
La libération des quatre fonctionnaires français semble donc marquer un nouveau départ dans les relations franco-marocaines. Un rapprochement qui n’est pas sans risque pour Paris, pris en tenaille entre un Maroc en pleine affirmation sur la scène régionale et une Algérie désormais ouvertement hostile. Le tout sur fond de tensions croissantes au Sahel, où la France peine à maintenir son influence face à la concurrence de la Russie. Une nouvelle ère diplomatique pleine de défis s’ouvre pour Paris dans son ancien pré carré africain.