Le Conseil des ministres ivoirien a annoncé une nouvelle qui apaise les tensions entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Deux gendarmes ivoiriens, interpellés en septembre 2023 alors qu’ils poursuivaient des orpailleurs clandestins en territoire burkinabé, ont finalement été remis aux autorités ivoiriennes le 29 novembre dernier. Un dénouement heureux rendu possible grâce à l’implication personnelle du président togolais Faure Gnassingbé, qui a joué les médiateurs dans cette affaire délicate.
Des relations tendues entre voisins
L’arrestation des deux gendarmes ivoiriens était survenue dans un contexte de fortes tensions entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, deux pays qui partagent près de 600 kilomètres de frontière poreuse. Depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine putschiste Ibrahim Traoré en septembre 2022 à Ouagadougou, les relations se sont dégradées entre les deux voisins.
Avec le Mali et le Niger, eux aussi dirigés par des juntes militaires, le Burkina Faso a récemment formé une nouvelle alliance, l’Alliance des États du Sahel, tournant ainsi le dos à la France. Une orientation que ne partage pas la Côte d’Ivoire, qui maintient de bons rapports avec Paris et condamne systématiquement les coups d’État dans la région sahélienne.
Des accusations mutuelles
Ces derniers mois, le capitaine Traoré a accusé à plusieurs reprises la Côte d’Ivoire de vouloir déstabiliser son pays, des allégations vivement démenties par Abidjan. Le président burkinabé soupçonne notamment son voisin de soutenir en sous-main les groupes jihadistes qui ensanglantent le Burkina Faso et les milices supplétives de l’armée.
Plus de 66 000 Burkinabés ont d’ailleurs trouvé refuge en Côte d’Ivoire, fuyant les violences jihadistes et les exactions des milices. Une partie d’entre eux sont hébergés dans des centres d’accueil construits par le gouvernement ivoirien, tandis que d’autres ont été accueillis par les populations locales.
Une brouille diplomatique déjà vécue avec le Mali
Ce n’est pas la première fois que la Côte d’Ivoire se retrouve en froid avec l’un de ses voisins du Sahel. En 2022, une grave crise diplomatique l’avait opposée au Mali, avec l’arrestation à Bamako de 46 soldats ivoiriens accusés par les autorités maliennes d’être des « mercenaires ».
Il avait fallu six mois de négociations ardues pour obtenir la libération de ces militaires en janvier 2023. Un précédent dans toutes les mémoires à Abidjan, qui a craint de revivre le même scénario avec le Burkina Faso.
Une médiation togolaise salutaire
Fort heureusement, l’implication du président togolais Faure Gnassingbé a permis de désamorcer la crise avant qu’elle ne s’envenime. Le Togo, pays ami de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, s’est positionné en médiateur et a usé de ses bons offices pour rapprocher les points de vue.
Cette médiation togolaise a finalement abouti à la remise des deux gendarmes à la Côte d’Ivoire le 29 novembre, mettant ainsi un terme à plus d’un an de détention. Un soulagement pour les autorités ivoiriennes, qui ont salué « l’implication personnelle » du président Gnassingbé dans la résolution de cette affaire.
Un apaisement encore fragile
Si la libération des deux gendarmes ivoiriens est une bonne nouvelle, elle ne règle pas pour autant tous les différends entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Les relations entre les deux pays restent tendues et méfiantes, sur fond de lutte contre le jihadisme et de positionnement géopolitique divergent.
Abidjan redoute notamment que la nouvelle Alliance des États du Sahel, qui regroupe le Burkina Faso, le Mali et le Niger, ne déstabilise toute la région en rompant les liens avec les partenaires traditionnels comme la France. Une crainte partagée par d’autres pays côtiers comme le Bénin, le Togo et le Ghana.
Pour apaiser durablement les tensions, il faudra plus que la libération de deux gendarmes. Un véritable dialogue politique et sécuritaire doit s’instaurer entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, afin de surmonter les défiances et de coordonner la lutte contre les groupes armés qui déstabilisent toute la région.
La médiation togolaise a montré la voie. Il appartient désormais aux dirigeants ivoiriens et burkinabés de saisir cette main tendue pour renouer des relations apaisées et constructives. La stabilité et la sécurité de l’Afrique de l’Ouest en dépendent.