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Libération de 23 proches d’un opposant tué par l’armée au Tchad

Au Tchad, 23 proches de l'opposant Yaya Dillo Djérou, tué par l'armée, viennent d'être libérés après des mois de détention secrète. Mais la répression violente de toute opposition par le régime Déby continue de faire polémique, alors que de nouvelles élections s'annoncent...

Après des mois de détention au secret, 23 proches de l’opposant tchadien Yaya Dillo Djérou viennent enfin de retrouver la liberté, a-t-on appris de source familiale. Ces militants avaient été arrêtés suite à l’assaut meurtrier des forces armées contre le siège du parti d’opposition PSF en février dernier, au cours duquel Yaya Dillo lui-même avait été tué par balle. Un drame survenu en pleine campagne pour la présidentielle d’avril, qui avait vu la réélection contestée de Mahamat Idriss Déby, fils de l’ex-président Idriss Déby qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis 30 ans.

Si cette libération apparaît comme un geste d’apaisement à l’approche des législatives et des élections locales prévues fin décembre, elle ne saurait faire oublier le climat de répression qui continue de régner au Tchad à l’encontre de toute voix dissidente. D’après un membre de la famille des détenus libérés, ces derniers sont pour la plupart « complètement affaiblis » par leurs conditions de détention. Amnesty International avait dénoncé en mai leur enfermement « au secret » dans une prison en plein désert, exhortant les autorités à les libérer ou les inculper.

Mais le régime Déby semble déterminé à museler par tous les moyens ceux qui le contestent, quitte à user de violence. Issu comme l’ex-président de l’ethnie minoritaire zaghawa qui domine l’armée, Yaya Dillo avait une forte assise au sein de sa communauté. Son « assassinat », dénoncé par l’opposition, n’a fait qu’attiser les tensions dans ce pays instable, miné par les conflits intercommunautaires.

Une « mascarade électorale » sur fond de boycott

Arrivé au pouvoir par les armes en avril 2021 à la mort de son père, tué au combat contre des rebelles, Mahamat Déby avait promis une transition démocratique. Mais sa réélection en avril 2024, à l’issue d’un scrutin boycotté par une partie de l’opposition et dénoncé par les ONG comme « ni libre, ni crédible », a douché les espoirs de changement. D’autant que le nouveau président a depuis été élevé au grade de maréchal, renforçant encore son emprise sur le pouvoir.

Face à ce verrouillage, les principaux partis d’opposition appellent aujourd’hui au boycott des prochaines élections, législatives et locales, qu’ils qualifient de « mascarade » sans enjeu au vu de la mainmise du clan Déby sur les institutions. Mais renoncer à participer au jeu démocratique, même biaisé, n’est-il pas le meilleur moyen pour le pouvoir de marginaliser un peu plus ses opposants ?

Impasse politique et risques sécuritaires

Au-delà des brimades contre les voix critiques, c’est toute la légitimité du président Déby qui est remise en cause par une partie de la population, lasse de la confiscation du pouvoir par son clan depuis plus de trois décennies. Sans parler du bilan économique et social désastreux de cette gouvernance, dans un des pays les plus pauvres au monde miné par les conflits et les trafics en tous genres.

Cette impasse démocratique fait aussi peser des risques sécuritaires sur le Tchad et la région. Marginalisées et poussées à la radicalisation, certaines franges de l’opposition pourraient être tentées de recourir à la violence, sur fond de rivalités ethniques. Les groupes rebelles et djihadistes, qui sévissent aux frontières, ne manqueront pas d’exploiter ce terreau de frustrations pour déstabiliser un peu plus le pays.

La communauté internationale doit hausser le ton

Face à cette dérive autoritaire, il est temps pour la communauté internationale de hausser le ton contre les dérives du régime Déby, au lieu de fermer les yeux au nom de la stabilité ou des intérêts économiques. La France en particulier, alliée historique et premier partenaire du Tchad, doit user de son influence pour appeler Ndjamena à plus d’ouverture démocratique et au respect des droits humains. Faute de quoi, le pays risque de s’enfoncer dans un engrenage dangereux dont toute la région pourrait pâtir.

La libération des 23 détenus est certes une bonne nouvelle, mais elle ne doit pas servir d’alibi pour enterrer le dossier des exactions du régime, d’autant que d’autres opposants croupissent toujours en prison. Il est urgent d’ouvrir un vrai dialogue national inclusif pour apaiser les tensions et renouer le fil démocratique au Tchad. Sinon, le spectre d’une nouvelle crise majeure continuera de planer sur ce pays meurtri.

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