C’est un mélange d’émotions intenses qui s’est emparé des proches des détenus ce weekend au Venezuela. Vendredi dernier, le parquet a annoncé le réexamen des dossiers et la potentielle libération de 225 personnes emprisonnées suite à la crise post-électorale qui secoue le pays depuis plusieurs mois. Une centaine d’entre eux ont déjà franchi les portes des prisons.
Alexis José Ochoa, 64 ans, fait partie de ces hommes qui retrouvent la liberté après de longs mois de détention. « Je suis content d’être dans la rue de nouveau » a-t-il déclaré en sortant de la prison de Yaré III. Tout comme lui, près de 2 400 Vénézuéliens ont été arrêtés dans le sillage de la réélection controversée de Nicolas Maduro fin juillet.
Entre soulagement et méfiance, les familles oscillent
Devant les centres de détention, les scènes de retrouvailles sont teintées d’un mélange de joie et d’appréhension. Tandis que certaines familles laissent éclater leur bonheur, d’autres peinent encore à y croire. Nelia Olivares, belle-sœur d’Alexis José Ochoa, a attendu de longues heures avant de le serrer dans ses bras, priant pour que ses deux neveux soient également libérés.
C’est le pire qu’il y a eu dans cette famille. Le pire… C’est très dur, cela affecte beaucoup de gens. Ceux dedans, ceux dehors.
Nelia Olivares, belle-sœur d’un détenu libéré
Mais pour de nombreux proches, l’attente se prolonge. Les libérations se font au compte-goutte, plongeant les familles dans des montagnes russes émotionnelles. « On se croirait à la maternité quand on attend que l’enfant vienne au monde » témoigne Michell Hurtado, tante d’Oscar Escalona, 23 ans, arrêté lors d’une manifestation.
Un processus de libération chaotique et opaque
Au fil des heures, la tension monte. Les agents pénitentiaires tentent de contenir la foule tout en égrenant les noms des détenus libérables. Mais le processus s’enlise, créant confusion et frustration. Devant la prison pour femmes de Las Crisalidas, les familles se mobilisent même pour acheter l’encre manquante afin de finaliser les dossiers.
C’est l’encre la plus chère que j’ai jamais achetée, mais si on ne l’achète pas, on va devoir attendre jusqu’à demain.
Un proche de détenu devant la prison de Las Crisalidas
Malgré tous ces efforts, certains repartiront bredouilles, le cœur lourd. « Ils ont arrêté plus de 2 000 personnes, ils ne vont pas tous les libérer. Certaines d’entre nous vont pleurer » souligne une femme venue soutenir des proches.
Quel avenir pour les détenus libérés ?
Pour ceux qui sortent, le soulagement se mêle à l’appréhension. « Je me sens un peu perdu après une si longue période d’incarcération… Je me sens en paix » confie Andres Galea. Mais comme les autres ex-détenus, il devra se présenter régulièrement à la justice, laissant planer le spectre d’un retour en prison.
Car si ces libérations représentent une avancée, elles restent une goutte d’eau face à l’ampleur des arrestations. De plus, rien ne garantit que le pouvoir vénézuélien renonce à utiliser la prison comme arme politique pour museler toute contestation.
La crise politique perdure, entre espoirs et incertitudes
Au-delà des drames personnels, ces libérations n’effacent pas les profondes fractures qui divisent le Venezuela. Avec une opposition qui crie toujours à la fraude électorale et revendique la victoire, le pays demeure sous haute tension 3 mois après le scrutin. Un bilan humain lourd avec 28 morts et 200 blessés lors des violences post-électorales.
Ainsi, si ces libérations sont un motif d’espoir pour les familles directement concernées, elles laissent de nombreux Vénézuéliens dubitatifs quant à une réelle sortie de crise. Entre joie, larmes et incertitudes, le Venezuela retient son souffle, tiraillé entre un pouvoir qui se cramponne et une opposition déterminée à en découdre.