Un vent de clémence semble souffler en Indonésie. D’anciens dirigeants emprisonnés du groupe Jemaah Islamiyah (JI), lié à Al-Qaïda et tristement célèbre pour les attentats meurtriers de Bali en 2002, pourraient bénéficier d’une libération conditionnelle dans un avenir proche. Cette perspective, évoquée mardi par un haut responsable de la lutte antiterroriste indonésienne, fait suite à l’annonce fin juin de la dissolution du réseau JI et au serment d’allégeance de ses membres envers les autorités du pays.
L’ombre des attentats de Bali
Le spectre des attentats de Bali, qui ont endeuillé l’Indonésie et le monde il y a plus de 20 ans, plane encore sur cette décision. Orchestrée par la Jemaah Islamiyah, cette vague d’attaques à la bombe avait fait 202 victimes en octobre 2002, dont une majorité de touristes australiens. Un traumatisme national qui reste l’un des épisodes terroristes les plus sanglants de l’histoire indonésienne.
Vers une libération des anciens chefs de JI ?
C’est dans ce contexte lourd que s’inscrit l’éventuelle remise en liberté conditionnelle de figures de proue de la JI, tels que les anciens dirigeants Para Wijayanto et Abu Rusdan. Selon Eddy Hartono, chef de l’Agence indonésienne de lutte contre le terrorisme, cette possibilité est actuellement à l’étude par les autorités compétentes :
S’ils remplissent les conditions, je demanderai (leur) libération conditionnelle.
Eddy Hartono, chef de la lutte antiterroriste en Indonésie
Para Wijayanto, qui avait pris la tête de JI en 2009 avant son arrestation dix ans plus tard, purge actuellement une peine de sept ans de prison. Quant à Abu Rusdan, ancien leader du groupe après l’interpellation d’Abu Bakar Bashir en 2002, il avait été libéré en 2005 avant d’être de nouveau arrêté en 2021 pour son soutien renouvelé à Jemaah Islamiyah. Leur allégeance aux autorités indonésiennes, prononcée à distance lors de la récente cérémonie de dissolution de JI, semble avoir ouvert la voie à une potentielle remise en liberté anticipée.
Des conditions strictes pour une libération anticipée
Toutefois, cette perspective ne concerne pas uniquement ces deux anciens dirigeants. Selon les informations fournies par Eddy Hartono, 115 ex-membres de la Jemaah Islamiyah sont actuellement derrière les barreaux. Si le nombre exact de détenus éligibles à une libération conditionnelle n’a pas été précisé, le ministère de la Justice travaille activement à recueillir les données nécessaires pour établir la liste des potentiels bénéficiaires.
Mais cette libération ne sera pas automatique. Outre l’obligation d’avoir prêté allégeance aux autorités, les condamnés pour terrorisme devront remplir plusieurs critères stricts, notamment avoir purgé au moins les deux tiers de leur peine. Un processus rigoureux qui pourrait aboutir dans les premiers mois de 2025, d’après les estimations du ministre de la Justice.
Un acte de clémence plus large ?
Cette volonté d’accorder une libération conditionnelle aux anciens de JI s’inscrit dans un mouvement plus vaste de grâce présidentielle. Le gouvernement indonésien envisage en effet d’accorder une remise de peine à près de 44 000 détenus, notamment des personnes condamnées pour des affaires de drogue ou de diffamation. Un geste d’apaisement et de réconciliation nationale qui ne manquera pas de susciter le débat dans le pays.
La dissolution de la Jemaah Islamiyah et la perspective d’une libération de ses anciens membres marquent-elles un tournant dans la lutte antiterroriste en Indonésie ? Si la prudence reste de mise, ce pas vers la clémence témoigne d’une volonté des autorités de tourner une page sombre de l’histoire du pays. Une initiative qui sera scrutée de près, tant par les familles des victimes que par la communauté internationale.