Dans un climat de tensions régionales et de pressions internationales, le Liban se trouve à un carrefour décisif. Le président Joseph Aoun a récemment pris une position ferme face à un haut responsable iranien, affirmant son refus catégorique de toute ingérence étrangère dans les affaires du pays. Cette déclaration intervient dans un contexte où le gouvernement libanais, sous l’impulsion de pressions américaines, a décidé de s’attaquer à une question épineuse : le désarmement du Hezbollah, un acteur clé de la politique et de la sécurité libanaises, soutenu par Téhéran. Mais quelles sont les implications de cette décision, et pourquoi suscite-t-elle autant de remous ? Cet article explore les dynamiques complexes qui secouent le Liban et la région.
Un Refus d’Ingérence au Cœur des Tensions
Le Liban, souvent décrit comme un échiquier géopolitique, fait face à des pressions multiples, tant internes qu’externes. Lors d’une rencontre à Beyrouth avec Ali Larijani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien, le président Aoun a clairement exprimé son opposition à toute intervention étrangère. « Nous rejetons toute ingérence dans nos affaires internes, quelle qu’en soit la provenance », a-t-il déclaré, selon un communiqué officiel. Cette prise de position ne se limite pas à une simple rhétorique diplomatique : elle reflète une volonté de réaffirmer la souveraineté nationale face à des acteurs extérieurs, notamment l’Iran, qui exerce une influence significative via son soutien au Hezbollah.
Cette déclaration intervient après que Téhéran a publiquement critiqué la décision du gouvernement libanais de planifier le désarmement du Hezbollah. Cette organisation, à la fois mouvement politique et milice armée, est un pilier de ce que l’Iran appelle l’axe de la résistance, une coalition anti-israélienne incluant des acteurs comme la Syrie de Bachar al-Assad. Mais avec la chute récente de ce dernier et les revers subis par le Hezbollah dans ses affrontements avec Israël, la donne a changé. Le Liban se trouve désormais contraint de naviguer entre des pressions internationales et des dynamiques internes explosives.
Le Désarmement du Hezbollah : Une Décision Explosive
La semaine dernière, le gouvernement libanais a chargé l’armée de préparer un plan pour désarmer le Hezbollah, une décision perçue comme un tournant majeur. Cette initiative, soutenue par les États-Unis, vise à réduire l’influence militaire de ce mouvement chiite, qui reste la seule faction libanaise à avoir conservé ses armes après la guerre civile (1975-1990). Mais cette décision n’est pas sans risques. Le Hezbollah, qui bénéficie d’un soutien populaire important dans certaines communautés, a qualifié cette mesure de « péché grave » et a annoncé qu’il n’y donnerait pas suite.
« Il est interdit à quiconque de porter les armes et de se prévaloir de l’appui d’une puissance étrangère », a déclaré Joseph Aoun, soulignant la responsabilité de l’État dans la sécurité nationale.
Ce bras de fer entre le gouvernement et le Hezbollah met en lumière une question centrale : qui contrôle réellement la sécurité au Liban ? Alors que le président Aoun insiste sur le rôle exclusif des forces armées libanaises, le Hezbollah continue de revendiquer sa légitimité en tant que « résistance » face à la menace israélienne. Cette dualité entre l’État et une milice puissante crée une fracture profonde dans le tissu politique libanais.
L’Iran et l’Ombre de l’Influence Régionale
L’Iran, principal soutien financier et militaire du Hezbollah, n’a pas tardé à réagir à la décision du gouvernement libanais. Ali Larijani, lors de sa visite à Beyrouth, a rencontré des figures clés, y compris Nabih Berri, président du Parlement et allié du Hezbollah. « Les pays étrangers ne doivent pas donner d’ordres au Liban », a-t-il déclaré, pointant du doigt une proposition américaine qui inclut un calendrier pour le désarmement du Hezbollah. Cette proposition, perçue comme une tentative d’affaiblir l’influence iranienne dans la région, a exacerbé les tensions entre Beyrouth et Téhéran.
Larijani a toutefois tenté de modérer son discours en affirmant que l’Iran respecterait toute décision prise en concertation avec le Hezbollah. Cette nuance diplomatique montre à quel point l’Iran cherche à maintenir son influence tout en évitant une confrontation directe avec le gouvernement libanais. À son arrivée à l’aéroport de Beyrouth, Larijani a été accueilli par des délégations du Hezbollah et du mouvement Amal, signe de la persistance de l’alliance entre Téhéran et ces acteurs locaux.
Le Liban, tiraillé entre ses alliances internes et les pressions internationales, doit trouver un équilibre délicat pour éviter une nouvelle crise.
Un Hezbollah Affaibli mais Toujours Influent
Le Hezbollah traverse une période de turbulences sans précédent. La guerre de 12 jours entre l’Iran et Israël en juin 2025, combinée à la chute de Bachar al-Assad en décembre 2024, a considérablement affaibli ses positions. À cela s’ajoute la perte de son ancien chef, Hassan Nasrallah, tué dans un bombardement israélien en septembre 2024. Ces événements ont ébranlé l’organisation, mais elle conserve une influence politique et militaire significative au Liban.
Le mouvement chiite bénéficie toujours d’un soutien populaire, comme en témoigne l’accueil chaleureux réservé à Larijani par des dizaines de partisans à Beyrouth. Cependant, sa légitimité est de plus en plus contestée, notamment par ceux qui estiment que ses armes menacent la stabilité nationale. Le plan de désarmement, s’il est mis en œuvre, pourrait redéfinir le rôle du Hezbollah dans le paysage politique libanais, mais il risque également de provoquer des tensions internes.
Les Enjeux pour la Stabilité Régionale
La crise actuelle au Liban ne se limite pas à ses frontières. Elle s’inscrit dans un contexte régional marqué par des rivalités entre grandes puissances. D’un côté, les États-Unis exercent une pression croissante pour limiter l’influence de l’Iran au Moyen-Orient. De l’autre, Téhéran cherche à préserver son axe de la résistance, dont le Hezbollah est un pilier essentiel. Entre ces deux forces, le Liban risque de devenir un champ de bataille par procuration.
Pour mieux comprendre les dynamiques en jeu, voici un résumé des principaux acteurs et leurs positions :
- Gouvernement libanais : Cherche à affirmer sa souveraineté et à centraliser le contrôle des armes.
- Hezbollah : Rejette le désarmement et revendique son rôle de résistance face à Israël.
- Iran : Soutient le Hezbollah et critique les ingérences étrangères, notamment américaines.
- États-Unis : Poussent pour un désarmement du Hezbollah dans le cadre d’une stratégie régionale.
Ce tableau des forces en présence montre à quel point la situation est complexe. Une mauvaise gestion de cette crise pourrait entraîner une escalade des tensions, voire un conflit ouvert, dans un pays déjà fragilisé par des crises économiques et sociales.
Vers un Avenir Incertain
Le Liban se trouve à un moment charnière de son histoire. La décision de désarmer le Hezbollah, si elle est appliquée, pourrait redessiner les équilibres de pouvoir dans le pays. Mais elle comporte des risques majeurs, notamment celui de provoquer une nouvelle vague de violences internes. Le président Aoun, en insistant sur la souveraineté nationale, tente de rallier les Libanais autour d’un projet commun : un État fort, capable de garantir la sécurité de tous ses citoyens.
« Toute menace, qu’elle vienne d’Israël ou d’ailleurs, concerne l’ensemble des Libanais et non un seul camp », a affirmé Aoun, plaidant pour une approche unitaire.
Cette vision, bien que louable, se heurte à la réalité d’un pays profondément divisé. Les alliances du Hezbollah, notamment avec le mouvement Amal et d’autres factions, compliquent la mise en œuvre d’une politique de désarmement. De plus, l’influence persistante de l’Iran, illustrée par la visite de Larijani, montre que les pressions extérieures ne cesseront pas de sitôt.
Acteur | Position | Enjeu |
---|---|---|
Gouvernement libanais | Désarmement du Hezbollah | Souveraineté nationale |
Hezbollah | Refus du désarmement | Maintien de l’influence |
Iran | Soutien au Hezbollah | Influence régionale |
En conclusion, le Liban se trouve à la croisée des chemins. La décision de désarmer le Hezbollah, bien que soutenue par des acteurs internationaux, risque de raviver des tensions internes et régionales. La visite de Larijani à Beyrouth, marquée par un hommage à Hassan Nasrallah, rappelle l’importance symbolique et stratégique du Hezbollah pour l’Iran. Dans ce contexte, le président Aoun devra faire preuve d’une habileté diplomatique exceptionnelle pour éviter que le Liban ne sombre dans une nouvelle crise. L’avenir du pays dépendra de sa capacité à concilier souveraineté nationale et pressions extérieures, tout en maintenant un fragile équilibre interne.