La nuit était calme dans les montagnes du sud du Liban… jusqu’à ce que le hurlement des réacteurs brise le silence. Une fois encore, des explosions ont illuminé des villages situés à plus de quarante kilomètres de la frontière israélienne. Un cessez-le-feu est théoriquement en vigueur depuis novembre 2024, mais la réalité sur le terrain raconte une tout autre histoire.
Un cessez-le-feu en sursis permanent
Depuis la signature de l’accord il y a un peu plus d’un an, les incidents n’ont jamais vraiment cessé. L’armée israélienne maintient une présence dans cinq points stratégiques au sud du Liban et multiplie les opérations aériennes. Cette fois, c’est la région de Jbaa, perchée dans l’Iqlim al-Tuffah, qui a été visée par plusieurs vagues de frappes dans la nuit de lundi à mardi.
Des habitations ont été endommagées, des familles terrorisées, et pourtant Israël affirme n’avoir ciblé que des infrastructures militaires appartenant au Hezbollah. Sites de lancement de roquettes, complexe d’entraînement de la force d’élite Radwane, champs de tir… la liste des objectifs annoncés est longue et précise.
Que s’est-il réellement passé à Jbaa ?
Jbaa n’est pas n’importe quel village. Situé bien au nord du fleuve Litani, il échappe théoriquement à la zone où le Hezbollah est censé avoir démantelé toutes ses infrastructures militaires avant la fin décembre. Pourtant, c’est précisément là que les avions israéliens ont frappé, comme ils l’avaient déjà fait le 4 décembre.
Pour l’état-major israélien, la justification est simple : le mouvement chiite se réarme activement. Les services de renseignement affirment avoir détecté de nouveaux mouvements de missiles et la reconstruction de positions détruites pendant la guerre de 2024. Des menaces avaient d’ailleurs été formulées publiquement début novembre : toute tentative de reconstitution des capacités militaires serait sanctionnée immédiatement.
« Nous avons frappé des infrastructures appartenant à l’organisation terroriste Hezbollah dans plusieurs zones du sud du Liban »
Communiqué des Forces armées israéliennes
Le Hezbollah, un géant blessé mais toujours debout
Il faut le rappeler : le mouvement dirigé pendant des décennies par Hassan Nasrallah a subi des pertes colossales. L’assassinat de son chef historique en septembre 2024 à Beyrouth a marqué un tournant. Des milliers de combattants tués, des arsenaux détruits, une grande partie de l’infrastructure de commandement décapitée.
Mais affaibli ne veut pas dire disparu. Dans les villages chiites du sud, le Hezbollah conserve un ancrage social et militaire profond. Et même diminuée, la force Radwane reste une unité crainte, capable de mener des opérations d’infiltration que redoute particulièrement Israël.
Washington, qui a joué un rôle central dans la négociation du cessez-le-feu, accentue aujourd’hui la pression sur Beyrouth. L’objectif américain est clair : obtenir un désarmement effectif du Hezbollah au sud du Litani, conformément à la résolution 1701 de l’ONU, vieille de près de vingt ans mais jamais pleinement appliquée.
L’armée libanaise au cœur de la tempête
Coincée entre les exigences israéliennes et les réalités politiques internes, l’armée libanaise marche sur une corde raide. Son commandant, le général Joseph Aoun, a reçu récemment l’émissaire français Jean-Yves Le Drian. Message transmis : non, l’armée ne reste pas les bras croisés.
Le président libanais a même affirmé être prêt à tout contrôle international pour prouver la bonne foi de ses troupes. Un comité de surveillance réunissant Liban, Israël, États-Unis, France et ONU doit d’ailleurs se réunir le 19 décembre dans le sud. L’enjeu est immense : démontrer que le désarmement progresse ou risquer une reprise ouverte des hostilités.
Les cinq points occupés par Israël depuis 2024 (selon les autorités libanaises) restent un sujet explosif. Tant qu’ils ne seront pas évacués, la confiance restera impossible.
Un calendrier sous haute tension
Le 31 décembre approche à grands pas. C’est la date butoir fixée par l’accord pour que l’armée libanaise ait achevé le démantèlement des infrastructures du Hezbollah entre la frontière et le Litani. Passé ce délai, Israël a déjà prévenu qu’il considèrerait tout manquement comme une rupture du cessez-le-feu.
Sur le terrain, la tâche est titanesque. Démanteler des décennies d’implantation militaire dans une région où le Hezbollah est à la fois parti politique, réseau social et force armée relève de l’impossible sans confrontation directe. Et personne, à Beyrouth, n’a intérêt à déclencher une guerre civile en plus de tout le reste.
Les frappes de Jbaa, loin au nord du Litani, montrent d’ailleurs que la définition israélienne de la « zone à nettoyer » est particulièrement extensive. Pour Tsahal, la menace peut se trouver partout, même à quarante kilomètres de la frontière.
Et maintenant ?
La réunion du 19 décembre sera décisive. Si le comité de surveillance constate des avancées crédibles, la pression pourrait redescendre d’un cran. Dans le cas contraire, les raids risquent de s’intensifier, et le fragile équilibre actuel de voler en éclats.
Dans les villages touchés, la population vit déjà dans la peur du prochain bombardement. Les dégâts matériels s’accumulent, les traumatismes aussi. Et pendant ce temps, les grandes puissances observent, négocient, menacent… mais la guerre, elle, semble n’avoir jamais vraiment quitté le sud du Liban.
Le cessez-le-feu de novembre 2024 était censé tourner une page. Un an après, il ressemble davantage à une trêve entre deux rounds. Et la nuit prochaine, dans les montagnes de Jbaa ou ailleurs, les avions pourraient bien revenir.









