Dans les ruelles poussiéreuses des camps de réfugiés palestiniens au Liban, un changement historique s’opère. Ce jeudi, des factions palestiniennes ont remis des armes lourdes à l’armée libanaise, une décision qui pourrait redéfinir l’équilibre sécuritaire dans un pays marqué par des tensions persistantes. Cet événement, loin d’être anodin, s’inscrit dans un contexte où le Liban cherche à renforcer son contrôle sur les groupes armés non étatiques, tout en naviguant dans une région aux dynamiques complexes.
Un Accord Historique pour la Sécurité
Le processus de remise des armes découle d’un accord conclu en mai dernier entre le président palestinien Mahmoud Abbas et son homologue libanais, Joseph Aoun. Ce pacte, scellé lors d’une visite à Beyrouth, stipule que toutes les armes présentes dans les camps palestiniens doivent être transférées aux autorités libanaises. Une démarche qui vise à réduire l’influence des factions armées dans ces enclaves, où l’armée libanaise n’intervient traditionnellement pas, en raison d’un accord tacite laissant leur gestion aux organisations palestiniennes.
Le Liban abrite environ 222 000 réfugiés palestiniens, selon les données des Nations unies. La majorité réside dans des camps comme ceux de Rachidiyé, Bass ou Bourj Chemali, situés dans le sud du pays. Ces camps, souvent perçus comme des zones autonomes, ont longtemps été des foyers de tensions, abritant des groupes armés aux affiliations variées.
Une Première Étape à Bourj al-Barajneh
La mise en œuvre de cet accord a débuté le 21 août, lorsque le Fatah, mouvement dirigé par Mahmoud Abbas et principal pilier de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), a cédé des armes dans le camp de Bourj al-Barajneh, près de Beyrouth. Ce geste symbolique a marqué le début d’un processus qui s’est étendu à d’autres camps. Jeudi, huit camions transportant des armes lourdes provenant des camps de Rachidiyé, Bass et Bourj Chemali ont été remis à l’armée dans une caserne de la ville côtière de Tyr.
« Huit camions contenant des armes lourdes appartenant aux factions de l’OLP ont été remis à l’armée », a déclaré le Comité de dialogue libano-palestinien.
Cet événement, observé par des témoins sur place, illustre une volonté de désarmement progressive, bien que limitée pour l’instant aux factions affiliées à l’OLP. Des groupes comme le Hamas ou le Jihad islamique, proches du Hezbollah libanais, ne sont pas concernés par cet accord, ce qui soulève des questions sur l’ampleur réelle de cette initiative.
Un Contexte de Pressions Internationales
La remise des armes s’inscrit dans une dynamique plus large de désarmement des groupes non étatiques au Liban. Sous une forte pression internationale, notamment américaine, le gouvernement libanais a récemment chargé son armée d’élaborer un plan pour neutraliser l’arsenal du Hezbollah, un acteur clé de la politique et de la sécurité dans le pays. Cette initiative intervient après la fin de la guerre entre Israël et le Hezbollah en novembre 2024, période marquée par des tirs revendiqués par des factions palestiniennes, y compris le Hamas, depuis le territoire libanais.
Le désarmement des camps palestiniens peut être vu comme un test pour les autorités libanaises, confrontées à la tâche complexe de restaurer leur monopole sur l’usage de la force. Les camps, historiquement hors du contrôle direct de l’État, représentent un défi unique en raison de leur autonomie et de leur densité.
Chiffres clés du désarmement
- 8 camions d’armes lourdes remis dans trois camps.
- 222 000 réfugiés palestiniens au Liban, selon l’ONU.
- 21 août : début du processus à Bourj al-Barajneh.
Les Camps : Une Autonomie Historique
Les camps de réfugiés palestiniens au Liban, créés après la guerre israélo-arabe de 1948, fonctionnent comme des entités semi-autonomes. En raison d’un accord tacite, l’armée libanaise n’y pénètre pas, laissant les organisations palestiniennes gérer la sécurité interne. Cette situation a permis à certaines factions de conserver des arsenaux conséquents, souvent utilisés dans des conflits internes ou régionaux.
Le camp de Rachidiyé, près de Tyr, est l’un des plus grands du sud du Liban. Avec Bass et Bourj Chemali, il a été au cœur de la remise d’armes de ce jeudi. Ces zones, marquées par une pauvreté endémique et des infrastructures précaires, sont aussi des foyers de tensions politiques, où cohabitent des groupes aux agendas divergents.
Les Enjeux d’un Désarmement Partiel
Si l’accord concerne principalement les factions de l’OLP, il laisse de côté des groupes influents comme le Hamas ou le Jihad islamique, alliés du Hezbollah. Cette exclusion soulève des interrogations sur l’efficacité globale du désarmement. Peut-on stabiliser le Liban sans inclure tous les acteurs armés ? La question reste en suspens, d’autant que le Hezbollah, avec son arsenal considérable, demeure un défi majeur pour les autorités.
« La deuxième partie des armes de l’OLP a été remise, conformément à l’accord », a confirmé Nabil Abou Roudeina, porte-parole de la présidence palestinienne.
Le processus, qui doit se poursuivre dans d’autres camps, pourrait redessiner les dynamiques internes des communautés palestiniennes au Liban. Cependant, il risque aussi de raviver des tensions entre factions, certaines percevant ce désarmement comme une perte d’influence.
Vers une Nouvelle Ère pour le Liban ?
Ce désarmement partiel est un pas vers une centralisation du pouvoir militaire au Liban, mais le chemin reste long. Les camps palestiniens, avec leur histoire complexe et leurs dynamiques propres, ne se plieront pas facilement à un contrôle total de l’État. De plus, la pression internationale pour désarmer des groupes comme le Hezbollah ajoute une couche de complexité à cette entreprise.
Pour les réfugiés palestiniens, cette remise d’armes pourrait avoir des implications sociales et politiques profondes. Certains y voient une opportunité de normalisation avec l’État libanais, tandis que d’autres craignent une marginalisation accrue. Dans un pays où la stabilité est fragile, chaque pas compte, mais les défis demeurent immenses.
Camp | Région | Action |
---|---|---|
Bourj al-Barajneh | Beyrouth | Remise d’armes le 21 août |
Rachidiyé | Tyr | Remise d’armes lourdes |
Bass | Tyr | Remise d’armes lourdes |
Bourj Chemali | Tyr | Remise d’armes lourdes |
En conclusion, la remise des armes par les factions palestiniennes au Liban marque un tournant, mais elle n’est qu’une étape dans un processus plus vaste. La route vers une stabilité durable est semée d’embûches, entre pressions internationales, rivalités internes et défis logistiques. Reste à savoir si cet effort débouchera sur une transformation profonde ou s’il restera un geste symbolique dans un pays où les armes parlent souvent plus fort que les accords.