InternationalPolitique

Liban : Désarmement du Hezbollah d’ici 2025

Le Liban veut désarmer le Hezbollah d'ici fin 2025, une première depuis la guerre civile. Quels obstacles ce plan audacieux va-t-il rencontrer ?

Le Liban, pays aux équilibres fragiles, s’apprête à franchir un cap historique. Pour la première fois depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), le gouvernement a chargé l’armée de mettre en place un plan visant à désarmer le Hezbollah, un acteur central de la scène politique et militaire libanaise, d’ici la fin de l’année 2025. Cette décision, prise lors d’une réunion du Conseil des ministres, marque un tournant dans un pays où le mouvement chiite pro-iranien a longtemps dominé. Mais ce projet ambitieux, soutenu par un cessez-le-feu négocié avec les États-Unis, peut-il réellement aboutir dans un contexte de tensions persistantes avec Israël ?

Un Contexte de Changement au Liban

Le Hezbollah, organisation à la fois politique, militaire et sociale, a longtemps été une force incontournable au Liban. Depuis la fin de la guerre civile, il est le seul groupe à avoir conservé un arsenal militaire, justifiant cette exception par sa mission de résistance face à Israël, qui occupa le sud du pays jusqu’en 2000. Cependant, la guerre récente avec Israël, débutée en 2023 dans le sillage du conflit à Gaza, a considérablement affaibli le mouvement. Les pertes humaines et matérielles, combinées à une perte d’influence politique, ont créé une opportunité inédite pour le gouvernement libanais de reprendre le contrôle du monopole des armes.

Le cessez-le-feu, signé le 27 novembre sous médiation américaine, stipule que seules six entités militaires et sécuritaires sont autorisées à porter des armes au Liban. Cette clause a ouvert la voie à une décision audacieuse : confier à l’armée libanaise la tâche d’élaborer un plan pour désarmer le Hezbollah. Ce plan, attendu pour fin août, devra être approuvé par le Conseil des ministres, mais il suscite déjà des tensions au sein même du gouvernement.

Une Décision Historique mais Controversée

Le Premier ministre Nawaf Salam a été clair : d’ici fin 2025, les armes devront être exclusivement détenues par l’armée libanaise et cinq autres services de sécurité. Cette déclaration, prononcée dans le cadre de l’application du cessez-le-feu, vise à renforcer la souveraineté de l’État libanais. Cependant, cette ambition se heurte à des résistances internes. Lors de la réunion du Conseil des ministres, deux membres proches du Hezbollah et de son allié, le mouvement Amal, ont quitté la séance pour marquer leur désaccord.

« L’armée libanaise a été mandatée pour élaborer un plan d’action afin que, d’ici la fin de l’année, les armes soient exclusivement détenues par l’État. » Nawaf Salam, Premier ministre libanais

Ce départ illustre la sensibilité du sujet. Le Hezbollah, bien qu’affaibli, reste une force influente, notamment dans les régions chiites du sud de Beyrouth et du Liban méridional. La décision du gouvernement est perçue par certains comme un pas vers la stabilisation du pays, mais par d’autres comme une tentative de marginaliser un acteur clé de la société libanaise.

Les Réactions du Hezbollah

Le chef du Hezbollah, Naïm Qassem, n’a pas tardé à réagir. Dans un discours télévisé, il a dénoncé un diktat américain visant à priver le Liban de sa force de résistance. Selon lui, le mouvement ne remettra pas ses armes sans un débat approfondi ni sans garanties, notamment un retrait complet d’Israël des positions qu’il occupe encore dans le sud du Liban. Qassem a également critiqué l’idée d’un calendrier imposé sous la pression extérieure, estimant qu’il s’agit d’une tentative de désarmer le Hezbollah tout en laissant Israël conserver ses leviers de puissance.

Pour le Hezbollah, le désarmement est une ligne rouge. Le mouvement conditionne toute discussion à plusieurs exigences : le retrait israélien, l’arrêt des attaques israéliennes qui persistent malgré le cessez-le-feu, et un plan de reconstruction pour les zones dévastées par le conflit. Ces demandes reflètent la méfiance du Hezbollah envers les intentions d’Israël et des États-Unis, qu’il accuse de chercher à affaiblir le Liban.

Les exigences du Hezbollah :

  • Retrait total des forces israéliennes du sud du Liban.
  • Arrêt des bombardements et violations du cessez-le-feu par Israël.
  • Plan de reconstruction pour les régions touchées par la guerre.

Un Défi pour l’Armée Libanaise

L’armée libanaise, mandatée pour élaborer ce plan de désarmement, se trouve dans une position délicate. Bien qu’elle soit respectée comme une institution unificatrice dans un pays marqué par les divisions confessionnelles, elle manque de ressources et de puissance militaire face à un groupe comme le Hezbollah, dont l’arsenal est considéré comme plus sophistiqué. Le président Joseph Aoun a récemment réaffirmé l’engagement de l’État à désarmer tous les groupes armés, mais la mise en œuvre de cette décision s’annonce complexe.

Le Hezbollah, bien qu’affaibli, dispose encore d’un soutien populaire important, notamment dans les quartiers sud de Beyrouth. Des manifestations de soutien, avec des drapeaux jaunes et des portraits de dirigeants, ont été observées récemment, signe que le mouvement conserve une base solide. Cette dynamique complique la tâche de l’armée, qui devra naviguer entre pressions internes et internationales.

Les Enjeux Internationaux

La décision du gouvernement libanais s’inscrit dans un cadre plus large, marqué par la médiation américaine. L’émissaire américain Tom Barrack a joué un rôle clé dans la négociation du cessez-le-feu et a insisté sur la nécessité pour le Liban de garantir le monopole des armes à l’État. Cependant, un responsable libanais, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a souligné que le Hezbollah ne cédera pas ses armes sans contreparties claires, une réalité bien connue des États-Unis.

De son côté, Israël maintient une posture ferme. Le gouvernement israélien accuse le Hezbollah de reconstruire ses installations militaires et menace de reprendre les hostilités si le désarmement n’est pas effectif. Cette menace plane sur le fragile cessez-le-feu, rendant la situation explosive. Naïm Qassem a d’ailleurs averti que toute nouvelle agression israélienne entraînerait une réponse militaire d’envergure, avec des missiles visant le territoire israélien.

Vers une Impasse Diplomatique ?

Selon David Wood, analyste au sein d’un groupe de réflexion international, le Liban risque de se retrouver dans une impasse diplomatique. Le Hezbollah conditionne son désarmement à des concessions qu’Israël n’est pas prêt à accorder, comme un retrait complet du sud du Liban. Sans progrès sur ces points, les discussions pourraient s’enliser, menaçant la fragile stabilité instaurée par le cessez-le-feu.

« Si la question n’est pas résolue dans les semaines à venir, la voie diplomatique risque de se refermer. » David Wood, analyste

Le Liban, déjà fragilisé par des crises économiques et sociales, ne peut se permettre un retour à la violence. La reconstruction des zones dévastées par le conflit, notamment dans le sud, est une priorité pour de nombreux Libanais. Cependant, sans un consensus interne et un apaisement des tensions avec Israël, le projet de désarmement pourrait devenir un catalyseur de nouvelles divisions.

Les Défis à Venir

Le désarmement du Hezbollah représente un défi à plusieurs niveaux. Sur le plan interne, il s’agit de réaffirmer la souveraineté de l’État dans un pays où les équilibres confessionnels rendent toute réforme sensible. Sur le plan externe, le Liban doit composer avec les pressions américaines et israéliennes, tout en répondant aux attentes de ses propres citoyens, épuisés par des années de crises.

Enjeux Défis
Souveraineté de l’État Restaurer le monopole des armes face à un Hezbollah influent.
Tensions avec Israël Gérer les violations du cessez-le-feu et les menaces israéliennes.
Consensus interne Concilier les positions des différentes communautés libanaises.

Le calendrier imposé par le gouvernement, avec une échéance fixée à fin 2025, semble ambitieux. L’élaboration du plan par l’armée libanaise, attendue pour fin août, sera une première étape cruciale. Mais sans un dialogue inclusif impliquant toutes les parties, y compris le Hezbollah, le risque d’échec reste élevé.

Un Pari sur l’Avenir du Liban

Le projet de désarmement du Hezbollah pourrait redéfinir les équilibres politiques et militaires au Liban. S’il aboutit, il renforcerait l’autorité de l’État et ouvrirait la voie à une stabilisation durable. Cependant, les obstacles sont nombreux : résistance du Hezbollah, pressions internationales, et fragilité interne du pays. La question est de savoir si le Liban, épuisé par des décennies de crises, peut saisir cette opportunité pour écrire un nouveau chapitre de son histoire.

Alors que le gouvernement libanais s’engage dans cette voie périlleuse, le monde observe. Le succès de ce plan dépendra de la capacité des acteurs locaux et internationaux à trouver un terrain d’entente. Une chose est sûre : les prochains mois seront décisifs pour l’avenir du Liban.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.