Le monde de la musique est en pleine effervescence. L’arrivée fracassante de l’intelligence artificielle (IA) générative dans les studios d’enregistrement suscite autant d’enthousiasme que d’inquiétudes parmi les artistes et professionnels du secteur. Capable de composer des morceaux entiers sur simple requête, cette technologie révolutionnaire promet de bousculer les codes de la création musicale. Mais faut-il y voir une menace pour les compositeurs humains ou plutôt une opportunité d’explorer de nouveaux horizons créatifs ?
Des artistes partagés face à l’IA générative
Si certains musiciens, à l’image de l’artiste français Lulu Gainsbourg, s’interrogent sur la place de l’IA dans leur processus créatif, d’autres ont choisi de l’apprivoiser pour enrichir leur palette sonore. La chanteuse britannique Imogen Heap, célèbre pour son titre “Hide and Seek”, a ainsi conçu son propre modèle d’IA à partir de sa voix, lui permettant d’intervenir sur son dernier projet musical. De son côté, la compositrice canadienne Grimes a mis à disposition un clone vocal pour que les internautes puissent générer de nouveaux sons.
Ce nouvel outil permet de faire des choses surprenantes auxquelles on n’aurait pas pensé.
François Pachet, chercheur en intelligence artificielle
Une technologie aux multiples facettes
Au-delà de la génération de mélodies, l’IA générative offre un vaste champ des possibles aux créateurs. Grâce à des plateformes comme Aiva, Suno ou encore Udio, il est désormais possible de composer des morceaux entiers sans même avoir de connaissances musicales. Une démocratisation de la création qui ne manque pas de faire réagir l’industrie.
Lors du Web Summit de Lisbonne, le cofondateur de la plateforme Moises, Eddie Hsu, a par exemple démontré comment l’IA pouvait, en une fraction de secondes, ajouter de la batterie sur quelques paroles et les transformer en un son de bossa nova. Une prouesse technologique qui laisse entrevoir de nouvelles perspectives pour les compositeurs, mais aussi pour les annonceurs et les créateurs de contenus.
Des enjeux éthiques et économiques à considérer
Si l’IA générative fascine par ses capacités, son utilisation soulève néanmoins des questions d’ordre éthique et économique. Aux États-Unis, la Recording Industry Association of America (RIAA) a porté plainte contre les start-up Suno et Udio, accusées d’exploiter le travail d’artistes sans leur consentement ni rémunération.
En parallèle, plus de 35 000 artistes ont signé une pétition dénonçant l’utilisation non autorisée de leurs créations pour entraîner des algorithmes. Un cri d’alarme face à la menace que représente cette technologie pour toute une frange de créateurs, qui pourrait à terme voir une partie de leur activité remplacée par des IA.
Malheureusement, c’est toute une tranche moyenne de créateurs qui vivent jusqu’à présent de leur art et qui risquent demain de ne plus pouvoir.
Cécile Rap-Veber, directrice générale de la Sacem
Face à ces enjeux, les professionnels du secteur appellent à davantage de transparence de la part des entreprises technologiques, ainsi qu’à la mise en place d’un cadre juridique pour encadrer l’utilisation de l’IA générative dans la création musicale. Une nécessité pour préserver la diversité culturelle et assurer une juste rémunération des artistes.
Vers une nouvelle ère de création musicale ?
Si l’IA générative bouscule les codes établis, elle ouvre aussi de nouvelles perspectives pour les créateurs. Selon François Pachet, cette avancée technologique va surtout obliger les artistes “à faire des choses plus originales”, puisque les productions conventionnelles pourront être réalisées de manière automatisée.
Une vision optimiste, qui voit en l’IA générative un outil complémentaire à la créativité humaine plutôt qu’un substitut. Car si les algorithmes excellent dans la génération de contenus, ils ne sauraient remplacer l’émotion et la sensibilité propres à l’être humain. Des qualités essentielles, qui continueront de faire la différence dans l’industrie musicale de demain.
L’essor de l’IA générative dans la création musicale soulève autant d’enthousiasme que d’interrogations. Si cette technologie révolutionnaire promet de bousculer les codes établis, elle ouvre aussi de nouvelles perspectives créatives pour les artistes. À condition toutefois de trouver un juste équilibre entre innovation et respect de la propriété intellectuelle. Un défi de taille, qui nécessitera l’implication de tous les acteurs de l’écosystème pour façonner l’avenir de la musique à l’ère de l’intelligence artificielle.