La Namibie, vaste étendue désertique bordant l’océan Atlantique en Afrique australe, a connu un parcours historique tumultueux avant d’accéder à l’indépendance il y a un peu plus de trois décennies. De la colonisation allemande à l’occupation sud-africaine, en passant par un génocide longtemps occulté, retour sur six dates clés qui ont façonné le destin de cette jeune nation.
1884 : Le début de la domination allemande
L’histoire moderne de la Namibie commence véritablement en 1884, lorsque le comptoir de Lüderitz, fondé sur la côte par des marchands allemands, passe sous la protection de l’Empire allemand. Cette annexion s’inscrit dans le contexte de la « course à l’Afrique » menée par les puissances coloniales européennes à la fin du XIXe siècle. Berlin étend rapidement son emprise sur le territoire, baptisé « Sud-Ouest africain allemand ».
1904-1908 : Un génocide longtemps oublié
Au début du XXe siècle, les peuples autochtones Herero et Nama se soulèvent contre l’expansion coloniale allemande. La répression est d’une violence inouïe : les troupes du Kaiser massacrent au moins 70 000 personnes, soit 80% des Hereros et 50% des Namas. Parqués dans des camps de concentration, les survivants sont réduits en esclavage et soumis à des expériences pseudo-scientifiques racistes. Ce génocide, considéré comme le premier du XXe siècle, reste longtemps un tabou.
Pour le peuple herero, la colonisation allemande est synonyme d’extermination. C’est un traumatisme qui hante encore la mémoire collective.
Esther Muinjangue, militante herero
1915 : De l’Allemagne à l’Afrique du Sud
Durant la Première Guerre mondiale, les troupes sud-africaines envahissent la colonie allemande. En 1919, le traité de Versailles officialise la dépossession de l’Allemagne, et la Société des Nations confie à l’Afrique du Sud un mandat pour administrer le territoire. Mais Pretoria, où sévit le régime raciste de l’apartheid, y établit un système de ségrégation et d’exploitation de la population noire.
1966 : La longue marche vers la liberté
En 1966, l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO), mouvement indépendantiste créé six ans plus tôt, lance la lutte armée contre l’occupant sud-africain, qui refuse d’obtempérer aux injonctions de l’ONU. La « guerre de brousse » va durer près d’un quart de siècle et faire des milliers de victimes. Le 26 août, jour du début de l’insurrection, est désormais férié en Namibie.
1990 : L’indépendance tant espérée
Après des années de combats et de négociations internationales, la Namibie accède enfin à l’indépendance le 21 mars 1990, devenant la dernière colonie d’Afrique à être libérée. Sam Nujoma, leader historique de la SWAPO, devient le premier président du pays. La Constitution adoptée apparaît comme un modèle pour la région : démocratie multipartite, économie mixte et engagement à bannir l’apartheid.
« La lutte a été longue et douloureuse, mais nous pouvons enfin célébrer notre liberté et construire un avenir meilleur pour tous les Namibiens, sans distinction de race. »
– Sam Nujoma, lors de la proclamation de l’indépendance
2021 : Berlin reconnaît sa responsabilité
Plus d’un siècle après les faits, l’Allemagne finit par reconnaître officiellement, en mai 2021, avoir perpétré un « génocide » contre les Hereros et les Namas durant la période coloniale. Berlin annonce une aide au développement de 1,1 milliard d’euros sur 30 ans pour les descendants des victimes, un geste jugé insuffisant par nombre de militants namibiens, qui réclament des réparations.
Aujourd’hui, si les plaies du passé ne sont pas toutes refermées, la Namibie s’efforce de construire une société unie et prospère, forte de sa diversité culturelle et de ses immenses ressources naturelles. Les six dates évoquées ici rappellent le chemin parcouru et les défis qui restent à relever pour ce jeune État en quête d’une destinée apaisée.