Comment ne pas être impressionné par la démonstration de force réalisée par le Stade Toulousain vendredi soir en finale du Top 14 ? Un score fleuve de 59 à 7, des records battus dans tous les domaines, des Bordelais complètement dépassés… Les superlatifs manquent pour qualifier la prestation XXL des hommes d’Ugo Mola qui, quelques semaines après leur sacre européen, ont remporté un 4ème bouclier de Brennus en 5 ans.
Cette hégémonie toulousaine, si elle force l’admiration, soulève aussi certaines interrogations. Le Top 14 n’est-il pas en train de se « toulousainiser », avec une équipe au-dessus du lot qui écrase la concurrence ? Cette ultra domination ne risque-t-elle pas, à terme, de nuire à l’intérêt et l’équilibre de la compétition ?
Une saison de tous les records pour Toulouse
Pour bien mesurer l’ampleur de la performance toulousaine cette saison, il suffit de se plonger dans les chiffres :
- 26 victoires pour seulement 4 défaites en Top 14
- Plus de 1000 points et 143 essais marqués
- 15 points d’avance sur son dauphin Bordeaux en saison régulière
- Une différence de points moyenne de +20 par match en phase finale
Des statistiques affolantes qui illustrent la suprématie incontestable du Stade cette année. Mais au-delà des chiffres, c’est surtout la manière qui impressionne. Un jeu flamboyant, des individualités éblouissantes à tous les postes, une conquête dominatrice et une défense hermétique… Les Rouge et Noir n’ont laissé que des miettes à leurs adversaires, donnant parfois le sentiment d’évoluer sur une autre planète.
Vers un Top 14 à deux vitesses ?
Si l’on peut légitimement se réjouir et s’enthousiasmer devant une telle démonstration de force, la domination écrasante de Toulouse interroge aussi sur le devenir du Top 14. Car derrière l’ogre toulousain, l’écart semble se creuser avec le reste du championnat.
Hormis les habituels cadors comme le Racing, La Rochelle ou Bordeaux qui parviennent à accrocher les Stadistes de temps à autre, rares sont les équipes en mesure de leur contester la suprématie. On a parfois le sentiment d’assister à un championnat à deux vitesses, avec Toulouse qui joue sa propre compétition, loin devant les autres.
Un déséquilibre renforcé par les moyens financiers hors normes du club haut-garonnais, sa capacité à retenir et attirer les meilleurs joueurs, mais aussi son centre de formation d’excellence qui lui permet de renouveler constamment son effectif avec des jeunes pépites.
C’est le danger des dynasties : elles sont formidables et fascinantes, mais elles peuvent aussi finir par lasser et démotiver les autres par leur caractère implacable.
Vincent Clerc, ancien ailier international
Quelles solutions pour éviter un Top 14 monochrome ?
Face à ce constat, il est légitime de s’interroger : comment maintenir un Top 14 équilibré et disputé malgré la toute puissance toulousaine ? Plusieurs pistes sont évoquées :
- Instaurer un plafond salarial plus contraignant pour limiter la concentration des stars
- Mieux répartir les droits TV pour permettre aux clubs moins riches de rivaliser
- Alléger le calendrier international pour préserver les organismes et l’équité
- Veiller à une meilleure formation des jeunes partout sur le territoire
Des propositions complexes à mettre en œuvre, car touchant à l’économie même des clubs et aux enjeux du rugby professionnel. Mais indispensables pour préserver la beauté d’un Top 14 fait de suspense, de rivalité et de passion. Espérons que les instances sauront prendre les bonnes décisions pour que le rugby français ne devienne pas la chasse gardée du Stade Toulousain pour les années à venir, aussi admirable soit-il !
