Le sort de Paul Watson, fondateur de l’ONG Sea Shepherd et farouche opposant à la chasse à la baleine, est suspendu à une décision de justice. Arrêté le 21 juillet dernier au Groenland, territoire autonome danois, ce militant écologiste de 73 ans risque une extradition vers le Japon. Un pays qui le poursuit pour “obstruction à une activité commerciale” et l’accuse de blessures lors de heurts avec un baleinier nippon en 2010. Face à cette menace, ses avocats français montent au créneau.
Des poursuites “politiques” qui bafouent les droits fondamentaux ?
Dans une lettre adressée au ministre danois de la Justice, l’équipe de défense de Paul Watson dénonce des poursuites “politiques” qui “enfreignent gravement certains de ses droits les plus fondamentaux, y compris sa liberté d’expression“. Selon eux, l’acharnement judiciaire du Japon viserait à “mettre un terme à ses actions de dénonciation de leur chasse d’espèces marines protégées”, point de friction de longue date entre l’archipel et l’activiste.
Nous vous exhortons à agir dans le respect strict de l’État de droit, ce qui ne peut se faire qu’en refusant l’extradition de M. Paul Watson au Japon.
Les avocats de Paul Watson dans leur lettre au ministre danois de la Justice
Un combat de plusieurs décennies contre la chasse baleinière
Figure emblématique de la lutte pour la protection des baleines, Paul Watson a fondé Sea Shepherd en 1977. Depuis, il mène un combat sans relâche contre la chasse de ces cétacés, pratiquée notamment par le Japon, la Norvège et l’Islande malgré le moratoire international de 1986. Ses méthodes d’action directe, allant jusqu’à l’éperonnage de baleiniers, lui valent d’être qualifié d’“éco-pirate” par ses détracteurs.
Le Japon, un adversaire de longue date
Ce n’est pas la première fois que Paul Watson a maille à partir avec la justice nippone. En 2012, il avait échappé in extremis à une arrestation en mer, dans les eaux allemandes, à la demande du Japon. Le pays du soleil levant n’a jamais caché son hostilité envers celui qui nuit à son industrie baleinière, une “affaire de fierté nationale” malgré l’effondrement de la consommation de viande de cétacé dans l’archipel.
Un soutien international mais des critiques au sein du mouvement écologiste
Le cas Paul Watson divise jusqu’au sein de la communauté écologiste. Si beaucoup saluent son engagement indéfectible pour la cause animale, certains désapprouvent ses méthodes musclées et son intransigeance. Son arrestation a néanmoins suscité une vague de soutiens internationaux, de personnalités comme Pamela Anderson à des ONG de défense de l’environnement.
Quel avenir pour la lutte anti-chasse à la baleine ?
Au-delà du sort personnel de Paul Watson, c’est l’avenir de la lutte contre la chasse baleinière qui inquiète les défenseurs des cétacés. Beaucoup craignent un coup d’arrêt au combat si cette figure historique venait à être neutralisée. D’autant que le Japon entend bien poursuivre cette pratique controversée, avec la mise à l’eau récente d’un nouveau navire-usine baleinier de 8 700 tonnes.
Une affaire aux enjeux géopolitiques
Derrière ce bras de fer se cachent aussi des enjeux géopolitiques. La chasse à la baleine, interdite en théorie, reste tolérée dans les faits par de nombreux États qui ferment les yeux sur les agissements du Japon, puissance économique et diplomatique majeure. Watson et ses soutiens dénoncent la passivité, voire la complicité, de gouvernements prompts à s’émouvoir du sort des baleines mais rechignant à s’opposer frontalement à Tokyo.
La chasse à la baleine, c’est une affaire de gros sous. Les baleines, elles, n’ont pas de porte-monnaie pour acheter les politiciens.
Paul Watson
Le Danemark, qui a prolongé la détention de Paul Watson jusqu’au 4 décembre, se retrouve en première ligne dans ce dossier brûlant. Sa décision sur l’extradition sera scrutée de près, autant par les militants écologistes que par les chancelleries. Au-delà du cas de l’activiste, c’est un véritable choix de société qui se jouera : choisir le camp de la défense des océans et de la biodiversité ou conforter la realpolitik au détriment des baleines.
Un dilemme cornélien pour Copenhague, qui devra peser soigneusement les enjeux éthiques, politiques et diplomatiques de son arbitrage. Quoi qu’il arrive, l’affaire Paul Watson promet de faire encore des remous, à l’image des mers agitées par ses combats. Son épilogue, quel qu’il soit, ne manquera pas de faire date dans la longue odyssée de la protection des baleines et de la lutte contre leur chasse.