Dans un style de gouvernance qui lui est propre, Gourbangouly Berdymoukhamedov, le dirigeant du Turkménistan, vient une nouvelle fois de faire parler de lui. Cet homme de 67 ans, connu pour son goût du culte de la personnalité, a profité de ses vacances pour écrire un énième ouvrage à sa propre gloire. Mais dans ce nouveau livre intitulé « Joyau de l’esprit », il semble aussi reconnaître, fait rarissime, les graves problèmes d’approvisionnement en eau potable qui menacent son pays.
Un aveu inattendu dans une dictature fermée
Selon des sources proches du pouvoir turkmène, ce nouveau livre de Berdymoukhamedov, non encore disponible au grand public, narrerait la « glorieuse histoire turkmène » et la « contribution de cette culture à la civilisation mondiale ». Des thèmes récurrents dans la propagande de ce régime qui tente de démontrer coûte que coûte l’existence séculaire d’une nation turkmène.
Mais au détour d’une réunion de travail à l’occasion de la présentation de son ouvrage, l’excentrique « Protecteur » aurait aussi appelé à « activer les efforts pour approvisionner toute la population en eau potable ». Un aveu en demi-teinte mais néanmoins significatif des difficultés croissantes rencontrées par ce pays désertique d’Asie centrale, où le stress hydrique est qualifié d' »extrêmement élevé » par les Nations unies.
Le spectre du changement climatique
Car sous ses airs de dictature folklorique, avec ses nombreux records loufoques homologués par le Guiness et son culte délirant voué au « Héros-Protecteur », le Turkménistan est aujourd’hui sérieusement menacé par le changement climatique. Recouvert en grande partie par l’aride désert du Karakoum, le pays voit ses rares ressources en eau s’amenuiser d’année en année.
Selon des données officielles invérifiables, les précipitations annuelles ne dépasseraient pas les 100 mm par endroit. Un déficit hydrique critique qui pousse le régime à rechercher désespérément de nouvelles sources d’eau potable. Et à reconnaître du bout des lèvres, pour la première fois, l’urgence de la situation.
Vers une prise de conscience ?
Cette surprenante évocation des problèmes d’eau dans le dernier livre de Berdymoukhamedov marque-t-elle un tournant dans l’approche du régime ? Difficile à dire tant l’information reste parcellaire et cadenassée dans cette ex-république soviétique ultracontrôlée, où le culte de la personnalité du dirigeant atteint des sommets.
Des sources bien informées rapportent ainsi qu’un nouveau monument de 43 mètres de haut, surmonté d’une statue dorée représentant Berdymoukhamedov à cheval, vient d’être érigé à sa gloire. Un caprice architectural supplémentaire pour cet ancien dentiste, surtout connu à l’étranger pour ses apparitions improbables à la télévision d’État.
Des records à la pelle pour masquer le vide
Car lorsqu’il ne passe pas son temps à écrire des ouvrages à sa propre gloire, le dirigeant turkmène aime à être filmé en train d’enseigner la gym à ses fonctionnaires, de tirer sur des cibles avec un pistolet tout en faisant du vélo, ou encore de composer un morceau de rap patriotique avec son petit-fils. Une communication à l’image de son style de gouvernance : décalée et mégalomaniaque.
Afin de briller sur la scène internationale malgré l’isolement de son pays, Berdymoukhamedov s’est aussi fait une spécialité de collectionner les records, souvent loufoques, homologués par le Guiness. Une manière comme une autre de masquer le vide abyssal d’un régime parmi les plus fermés et répressifs au monde.
Un népotisme assumé
Depuis 2006, cet « Protecteur » de la nation turkmène règne en maître absolu sur son pays, disposant d’immenses prérogatives. En 2022, il a même réussi à transmettre le pouvoir à son fils Serdar lors d’une démission surprise. Un passage de témoin qui en dit long sur le verrouillage total exercé par le clan Berdymoukhamedov sur cet État d’Asie centrale, riche en gaz.
Si la publication de ce nouveau livre à la gloire du régime n’est pas une surprise en soi, l’aveu à demi-mot des problèmes d’eau qui menacent le pays intrigue les observateurs. Le « Protecteur » de la nation aurait-il fini par prendre conscience des périls qui guettent son désert, sous l’effet du réchauffement climatique ? Rien n’est moins sûr, tant l’obsession de contrôle du régime semble l’emporter sur toute velléité de transparence…