Un suspense judiciaire se joue autour d’Adib Mayaleh, l’ancien gouverneur de la banque centrale syrienne. La cour d’appel de Paris rendra son verdict le 15 janvier concernant son rôle potentiel dans le financement de crimes attribués au régime syrien durant la guerre civile, entre 2011 et 2017. Les accusations sont graves et les enjeux cruciaux pour comprendre les rouages du conflit.
Mayaleh, témoin clé ou complice présumé ?
Le parquet national antiterroriste (Pnat) soupçonne Adib Mayaleh d’avoir, par sa fonction à la tête de la banque centrale, financé un régime accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Pourtant, en mai dernier, un juge d’instruction l’avait placé sous le statut plus favorable de témoin assisté, ce qui signifie qu’il ne pourrait plus être jugé en l’état.
Le Pnat a fait appel de cette décision. L’audience qui vient de se tenir devant la chambre d’instruction déterminera si Mayaleh conserve ce statut ou non. Un enjeu crucial pour la suite de l’affaire.
Mise en examen initiale pour complicité de crimes
Rappelons qu’en décembre 2022, Adib Mayaleh, de nationalité française depuis 1993 et vivant en France, avait d’abord été mis en examen pour un lourd panel d’accusations :
- Complicité de crimes contre l’humanité
- Complicité de crimes de guerre
- Blanchiment du produit de ces infractions
- Participation à une entente en vue de commettre ces crimes
Le juge spécialisé du pôle crimes contre l’humanité estimait alors qu’il existait des indices graves ou concordants pour cette mise en examen. Mais le revirement en mai, le plaçant en témoin assisté, a rebattu les cartes.
Le Pnat requiert de nouvelles investigations
Outre l’appel sur le statut de Mayaleh, le Pnat a aussi demandé au juge d’instruction de poursuivre ses investigations. Il souhaite notamment entendre des témoins tels que d’anciens membres du régime syrien, des journalistes ou des experts.
L’objectif serait d’éclaircir le rôle des hommes d’affaires dans le financement du régime de Bachar al-Assad pendant cette sombre période. Adib Mayaleh, gouverneur de la banque centrale de 2005 à 2016 puis ministre jusqu’en 2017, est un témoin clé de ce système.
L’immunité fonctionnelle écartée
Mayaleh avait tenté de se prévaloir d’une immunité fonctionnelle en juin dernier, mais la cour d’appel a rejeté cette demande. Les juges français ont déjà écarté ce type d’immunité dans d’autres dossiers syriens.
Ils ont même émis ces dernières années dix mandats d’arrêt contre de hauts dignitaires du régime. Une façon de montrer leur détermination à poursuivre les responsables présumés, quel que soit leur rang.
Un demi-million de morts et un pays morcelé
Rappelons l’ampleur du drame qui a frappé la Syrie depuis 2011. Ce qui avait commencé comme un soulèvement pacifique contre le régime a dégénéré en une guerre civile dévastatrice.
Le bilan est effroyable : plus d’un demi-million de personnes ont perdu la vie et le pays s’est retrouvé morcelé. Derrière les combats et les bombardements, ce sont aussi des crimes contre l’humanité qui auraient été perpétrés.
C’est tout l’enjeu de ces procédures judiciaires : déterminer les responsabilités de chacun dans ce qui apparaît comme l’un des plus grands drames de ce siècle. Et Adib Mayaleh pourrait en être une pièce maîtresse, qu’il soit finalement considéré comme témoin ou mis en examen.
Le 15 janvier, la cour d’appel rendra donc une décision capitale. Soit Mayaleh conserve son statut de témoin assisté et échappe pour l’instant à un procès. Soit il est renvoyé devant les juges pour complicité présumée et devra s’expliquer sur son rôle.
Dans tous les cas, cette affaire illustre la complexité de la situation syrienne et la difficulté à établir les responsabilités dans un conflit qui a échappé à tout contrôle. Mais elle montre aussi la détermination de la justice à aller au bout, pour que la lumière soit faite sur ces années noires.