C’est un procès hors norme qui se déroule actuellement au tribunal correctionnel de Marseille. Un ancien agent de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI), soupçonné d’avoir vendu des informations confidentielles sur le darknet, y est jugé depuis le début de la semaine. Connu sous le pseudonyme « Haurus », il aurait ainsi permis à une bande criminelle d’accéder à des données sensibles, qui auraient ensuite servi à commettre plusieurs assassinats.
Un agent devenu trafiquant d’informations
Christophe Boutry, 45 ans, policier chevronné, était un homme de confiance au sein de la DGSI. Mais selon l’accusation, il aurait basculé de l’autre côté de la barrière en 2017, en commençant à vendre sur le darknet, sous le pseudo d’Haurus, tout un tas d’informations confidentielles auxquelles il avait accès de par ses fonctions :
- Faux documents administratifs
- Données issues des fichiers de police
- Informations sur des personnes fichées ou surveillées
Un business lucratif qui lui aurait rapporté des dizaines de milliers d’euros. Mais ce trafic n’est pas resté confiné aux recoins obscurs d’Internet. Les données vendues par Haurus seraient en effet tombées entre les mains du milieu criminel marseillais, et auraient alimenté une guerre sanglante entre différents clans.
Le clan de Marignane, principal client
C’est plus précisément le gang de Marignane, une banlieue de Marseille, qui aurait été le principal acquéreur des données d’Haurus. Dirigée par Pascal Gomez Galeote depuis l’assassinat de son demi-frère «Tonio» Martinez début 2018, cette équipe est suspectée d’avoir utilisé les informations obtenues auprès de l’agent de la DGSI pour préparer plusieurs assassinats.
Des éléments accablants ont été retrouvés dans le téléphone crypté de Pascal Gomez : fichiers audio, messages, photos liés aux règlements de compte. Parmi eux, des fiches de renseignement sur Christopher Aouni, figure du clan adverse ciblée par Gomez et les siens.
Je suis abasourdi qu’on dise que je suis le chef d’un clan. Mon frère avait sa vie, moi la mienne.
a déclaré Pascal Gomez à la barre, niant les accusations.
5 ans de prison requis contre « Haurus »
Pour la procureure, les faits sont établis et d’une extrême gravité. Elle a requis une peine de 5 ans de prison ferme à l’encontre de l’ex-agent Christophe Boutry.
Il a trahi sa fonction, ses collègues et l’État son employeur par appât du gain.
a-t-elle souligné dans ses réquisitions.
Elle a toutefois demandé la confusion avec une peine de même durée prononcée en novembre 2021 à Versailles dans un autre volet du dossier. Contre Pascal Gomez, considéré comme le principal bénéficiaire des informations vendues par Haurus, 8 ans de prison et un mandat de dépôt ont été réclamés.
Ce procès hors normes, qui a nécessité d’importantes mesures de sécurité, jette une lumière crue sur les dérives possibles au sein même des services de renseignement. Il illustre aussi la porosité parfois troublante entre le monde du crime organisé et certains agents censés le combattre. Le jugement sera rendu ce jeudi. Il sera sans nul doute très attendu et scruté.