Le débat sur l’euthanasie refait surface avec force alors que l’Assemblée nationale examine un nouveau projet de loi sur la fin de vie. Au cœur des discussions, une question fondamentale : faut-il autoriser l’aide active à mourir pour les personnes atteintes de maladies incurables et subissant des souffrances insupportables ? Les avis divergent entre ceux qui y voient une avancée sociétale majeure, permettant à chacun de choisir sa fin de vie, et ceux qui alertent sur les risques de dérives et une atteinte à l’intégrité de la médecine. Éclairage sur un sujet aussi sensible que clivant.
Une loi pour encadrer l’aide active à mourir
Le projet de loi examiné par les députés vise à modifier les critères d’accès à l’euthanasie. Il ne serait plus nécessaire d’avoir un pronostic vital engagé à court terme, mais simplement d’être atteint d’une affection grave et incurable et de subir des souffrances physiques ou psychiques réfractaires aux traitements. Une évolution majeure par rapport à la législation actuelle, qui n’autorise que la sédation profonde et continue jusqu’au décès pour les malades en phase terminale.
Pour les partisans d’une évolution de la loi, il s’agit de respecter la volonté des personnes qui ne supportent plus de vivre avec leur maladie et réclament d’avoir le choix de leur fin de vie. Une revendication portée notamment par l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD). Son président, le Dr Jean-Luc Romero-Michel, estime ainsi que “mourir dans la dignité est un droit. Obliger quelqu’un à vivre une vie qu’il ne supporte plus est une forme de torture”.
Des questionnements éthiques complexes
À l’inverse, de nombreuses voix s’élèvent pour mettre en garde contre les dérives potentielles d’un élargissement de l’euthanasie. Au premier rang desquelles, celles des soignants, qui s’interrogent sur la compatibilité de l’aide active à mourir avec leur mission de soin. Comme l’explique le Dr Olivier Jonquet, chef du service de réanimation du CHU de Montpellier, “notre rôle est d’accompagner, de soulager, pas de donner la mort. L’euthanasie représenterait un changement total de paradigme”.
Des inquiétudes partagées par de nombreux intellectuels et responsables religieux, à l’instar du philosophe Fabrice Hadjadj. Selon lui, autoriser l’euthanasie reviendrait à “banaliser le suicide assisté” et porterait atteinte au caractère sacré de la vie humaine. Un argumentaire qui fait écho à celui de l’Église catholique, fermement opposée à toute forme d’euthanasie.
Trouver le juste équilibre
Face à ces positions tranchées, certains appellent à trouver un équilibre entre le respect de l’autonomie individuelle et la protection des personnes vulnérables. C’est notamment la position du Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE). Dans son dernier avis sur le sujet, il juge légitime d’ouvrir l’aide active à mourir, mais insiste sur la nécessité de l’assortir de conditions strictes et d’un contrôle rigoureux pour éviter toute pression sociale.
Une ligne de crête sur laquelle tente de se placer le gouvernement. Le projet de loi prévoit ainsi une procédure en plusieurs étapes, avec des temps de réflexion obligatoires, avant toute euthanasie. Le but : s’assurer que la demande émane bien d’une volonté libre et éclairée. Reste à savoir si ces garde-fous seront jugés suffisants pour faire consensus sur un sujet aussi clivant.
La détresse d’un homme qui ne supporte plus sa condition mérite toute notre considération. Mais elle ne peut à elle seule suffire à légiférer.
Régis Aubry, président de l’Observatoire National de la Fin de Vie
Un débat loin d’être tranché
Alors que les discussions s’annoncent animées à l’Assemblée, une certitude : le débat sur l’euthanasie est loin d’être clos. Car au-delà des aspects techniques, c’est notre rapport collectif à la fin de vie et à la mort qu’il interroge en profondeur. Un questionnement aussi ancien que l’humanité, et qui soulève des enjeux philosophiques, éthiques et sociétaux majeurs.
Quelle que soit l’issue des débats parlementaires, une chose est sûre : la question de l’euthanasie continuera de traverser notre société. Parce qu’elle renvoie à l’essence même de la condition humaine, dans ce qu’elle a de plus tragique mais aussi de plus noble : notre capacité à penser notre propre finitude.