La victoire du chanteur suisse Nemo à l’Eurovision 2024 a offert à la Confédération helvétique le privilège d’accueillir la prochaine édition de ce concours musical international. Mais cet honneur pourrait bien être de courte durée. En effet, un petit parti politique opposé au budget jugé trop élevé a réussi à réunir suffisamment de signatures pour organiser un référendum remettant en cause la tenue de l’événement à Bâle.
L’UDF conteste les 37,5 millions alloués à l’Eurovision
L’Union démocratique fédérale (UDF), formation ultra-conservatrice défendant “les valeurs chrétiennes intemporelles” selon ses propres termes, a lancé dès le mois d’août une procédure pour s’opposer par référendum aux crédits de 37,5 millions de francs suisses accordés par le canton de Bâle pour l’organisation du concours. Ce budget, équivalent en euros, correspond à la participation demandée aux organisateurs locaux par les diffuseurs membres de l’Union européenne de radiotélévision qui financent collectivement l’Eurovision.
L’UDF reproche à l’Eurovision d’être “un événement de propagande”, notamment en faveur de la communauté LGBT+ dont fait partie Nemo, l’artiste non binaire qui a remporté l’édition 2024 sous les couleurs helvétiques. Le parti accuse aussi le concours de rendre “acceptables” l’antisémitisme, en référence à la polémique suscitée par la présence d’Israël, et même le “satanisme” en évoquant la prestation de Bambie Thug pour l’Irlande.
Une pétition avec deux fois plus de signatures que nécessaire
Pour obtenir l’organisation d’un référendum local à Bâle, les opposants devaient réunir un minimum de 2000 signatures. C’est plus du double, exactement 4203, que les représentants de l’UDF ont déposé à l’Hôtel de ville ce samedi 26 octobre. Après vérification de leur validité par les autorités, le scrutin devrait donc bien avoir lieu le 24 novembre, en même temps que d’autres votations cantonales.
Le président de l’UDF Daniel Frischknecht a d’ores et déjà estimé que le canton pourrait faire un meilleur usage de son argent, tout en assurant ne rien avoir contre la musique ou l’orientation sexuelle des participants. Son parti maintient cependant que l’Eurovision pousse une idéologie politique, sans convaincre les autres formations.
Une large majorité favorable à l’Eurovision à Bâle
Au parlement régional, le budget a été approuvé en septembre par une écrasante majorité. Même l’UDC, pourtant classée à droite radicale, s’est ralliée au projet alors qu’elle avait critiqué la candidature d’autres villes suisses. L’UDF se retrouve donc bien isolée et ses chances de l’emporter lors du référendum semblent minces.
Il faut dire que la Suisse a une histoire particulière avec l’Eurovision, puisqu’elle a accueilli la première édition du concours en 1956 à Lugano. Elle l’a de nouveau organisé en 1989 à Lausanne après la victoire l’année précédente de Céline Dion, qui concourait pour le pays.
Un concours suivi par 163 millions de téléspectateurs en 2024
En 2024, les demi-finales et la finale de l’Eurovision diffusées en direct ont rassemblé en cumulé 163 millions de téléspectateurs à travers le monde selon les organisateurs. Un succès d’audience qui s’accompagne d’importantes retombées touristiques et médiatiques pour le pays et la ville hôte, un argument de poids en faveur du maintien de l’édition 2025 à Bâle.
La cité rhénane aura cependant fort à faire pour se montrer à la hauteur. En effet, l’organisation du concours représente un défi logistique et sécuritaire de taille, comme l’ont montré les polémiques ayant entouré l’Eurovision 2019 à Tel Aviv et les menaces pesant sur la tenue de celle de 2023 à Liverpool en raison de la guerre en Ukraine. Mais Bâle a comme atout d’être une ville dynamique, cosmopolite et habituée à accueillir de grands événements comme la Foire d’art internationale Art Basel.
À moins d’un improbable rejet lors du référendum du 24 novembre, la cité au coude du Rhin devrait donc bien être sous les projecteurs de toute l’Europe le temps d’une semaine de chansons et de paillettes en mai 2025. De son côté, la RTS qui a porté la candidature suisse promet une édition “inclusive, durable et bienveillante”, à l’image du message porté par Nemo.