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L’Europe va-t-elle succomber à l’accord UE-Mercosur ?

L'Europe est-elle sur le point de capituler face à la mondialisation débridée ? L'accord UE-Mercosur, en négociation depuis 20 ans, cristallise les inquiétudes. Derrière les promesses...

Depuis plus de deux décennies, un spectre hante l’Europe : celui de l’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur. Ce projet controversé, porté bec et ongles par la Commission européenne, fait à nouveau parler de lui alors que sa ratification semble plus proche que jamais. Mais derrière les promesses de croissance et d’ouverture, se cache une menace existentielle pour la souveraineté et l’identité européenne.

L’accord UE-Mercosur, cheval de Troie de la mondialisation ?

Présenté comme une opportunité historique par ses défenseurs, l’accord UE-Mercosur prévoit la suppression progressive des droits de douanes entre le marché unique européen et les économies sud-américaines. Un projet ambitieux sur le papier, mais qui risque en réalité de signer l’arrêt de mort de pans entiers de l’économie européenne, à commencer par son agriculture.

Car derrière l’argument de la compétitivité et des échanges “gagnant-gagnant”, se cache une réalité plus sombre : celle d’une mise en concurrence déloyale de nos agriculteurs avec les géants de l’agrobusiness sud-américain. Comment rivaliser face à des exploitations hors-sol, pratiquant une agriculture intensive et peu regardante sur les normes sanitaires et environnementales ?

Des conséquences désastreuses pour l’agriculture européenne

Selon les estimations, la filière bovine européenne pourrait voir ses exportations chuter de 30% en cas d’entrée en vigueur de l’accord, tandis que les importations de volaille bon marché en provenance du Brésil exploseraient de 180%. Un scénario catastrophe pour des milliers d’éleveurs déjà fragilisés par des années de crises et de déficit de compétitivité.

Cet accord est une capitulation en rase campagne. On sacrifie l’agriculture européenne sur l’autel de la mondialisation et du libre-échange. C’est inacceptable !

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA

Mais au-delà de l’agriculture, c’est tout le modèle économique et social européen qui est menacé. En ouvrant grand les vannes du libre-échange avec des pays aux standards sociaux et environnementaux bien inférieurs aux nôtres, l’UE précipite un nivellement par le bas généralisé et une course au moins-disant fatal.

La souveraineté européenne menacée

Plus grave encore, cet accord consacre l’abandon de notre souveraineté économique et politique au profit d’intérêts mercantiles. En bradant nos outils de régulation et de protection, au premier rang desquels la Politique Agricole Commune, l’Europe se prive des moyens d’assurer son autonomie stratégique et sa résilience face aux chocs.

Dans un contexte géopolitique de plus en plus instable, marqué par le retour des nationalismes et des guerres commerciales, est-il bien raisonnable de nous rendre ainsi dépendants de puissances étrangères pour notre approvisionnement en denrées essentielles ? La crise du Covid nous a cruellement rappelé les limites d’un modèle basé sur les chaînes de valeur mondialisées et les flux tendus.

Sauver l’Europe de ses démons libre-échangistes

Il est plus que temps pour l’UE de changer de logiciel et de doctrine. Plutôt que de courir après des accords de libre-échange toujours plus absurdes et déséquilibrés, l’Europe doit urgemment se réapproprier les outils de sa souveraineté économique, commerciale et normative.

  • Instaurer une véritable préférence communautaire pour nos producteurs et nos filières stratégiques
  • Renforcer nos mécanismes anti-dumping et de réciprocité dans l’accès au marché unique
  • Moderniser la PAC pour mieux accompagner la transition agroécologique
  • Taxer les importations ne respectant pas nos standards sanitaires, sociaux et environnementaux

Autant de pistes qui doivent guider les futures politiques commerciales européennes, si nous ne voulons pas voir notre continent devenir le ventre mou de la mondialisation. Il en va de notre identité, de notre prospérité, et de notre avenir commun.

Car derrière la question de l’accord UE-Mercosur, c’est bien la vision et l’ambition que nous voulons pour notre Europe qui est en jeu. Allons-nous continuer à la dissoudre dans un vaste marché mondialisé et atomisé, où règnent la loi du plus fort et la concurrence de tous contre tous ? Ou allons-nous au contraire la réaffirmer comme un espace de coopération, de régulation et de protection, au service de nos valeurs et de nos intérêts de long-terme ?

L’Europe doit choisir entre être un acteur de la mondialisation ou la subir. Entre rester un sujet politique ou devenir un simple objet du commerce international.

Jacques Sapir, économiste

Le choix qui sera fait dans les prochains mois sur le Mercosur sera décisif et lourd de conséquences. Espérons que sous la pression citoyenne et devant l’urgence de la situation, les dirigeants européens sauront trouver le courage de dire non à cet accord toxique et de tracer une nouvelle voie. Celle d’une Europe unie, indépendante et fière de ses valeurs. Celle d’une Europe des nations libres et des peuples souverains.

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