Face aux menaces brandies par Donald Trump depuis son investiture, l’Union européenne s’efforce d’esquisser des réponses. Mais derrière une façade d’unité, les 27 peinent à afficher un visage commun. Entre les affinités affichées de certains dirigeants avec le président américain et les intérêts divergents des États membres, Bruxelles navigue en eaux troubles.
Investir davantage dans la défense européenne
Donald Trump ne cesse de le marteler : il refuse que les États-Unis continuent de financer seuls, via l’Otan, la sécurité du Vieux Continent. Un message semble-t-il bien reçu par les responsables européens, pressés de donner des gages à la Maison Blanche.
Pour la cheffe de la diplomatie européenne, les critiques de Trump sont fondées. Elle appelle les États membres et le secteur privé à investir urgemment dans la défense, y compris via le budget de l’UE. Le Premier ministre polonais, dont le pays préside actuellement le Conseil de l’UE, enfonce le clou : « Si l’Europe veut survivre, elle doit s’armer ! ».
Mais ce volontarisme affiché masque des inquiétudes. L’Europe centrale et les pays baltes craignent un désengagement américain. Quant à la France, elle s’alarme qu’un éventuel « deal » avec Washington se traduise par l’achat massif d’armes… américaines. Paris y voit un « contresens historique ».
Pragmatisme commercial face à Trump
Autre sujet brûlant : les menaces de sanctions commerciales agitées par Trump, encore floues mais lourdes de conséquences potentielles pour l’économie européenne. Face à ce défi, Bruxelles temporise, affichant sa volonté d’éviter toute surenchère.
Avec les États-Unis, nous nous montrerons pragmatiques pour trouver un terrain d’entente.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne
Un pragmatisme qui n’exclut pas la fermeté si nécessaire, assure le commissaire européen à l’Économie. Lors du premier mandat de Trump, l’UE avait riposté aux taxes sur l’acier et l’aluminium en surtaxant des produits symboliques comme le bourbon ou les motos Harley-Davidson.
Mais selon une source européenne, les 27 restent divisés entre une approche défensive (acheter des produits américains pour amadouer Trump) et offensive (préparer des mesures de rétorsion). La tech pourrait aussi cristalliser les tensions, Bruxelles menaçant de sanctionner le réseau social X d’Elon Musk.
Miser sur le multilatéralisme et de nouveaux alliés
Pour contrer « l’America First » de Trump, l’UE mise sur une stratégie de diversification de ses partenariats. Plusieurs initiatives récentes l’illustrent :
- Renforcement des liens commerciaux avec le Mexique
- Relance des négociations pour un accord de libre-échange avec la Malaisie
- Promesse d’un déplacement prochain en Inde pour consolider un « partenariat stratégique »
- Main tendue vers la Chine malgré les différends commerciaux
Sur le climat aussi, l’UE cherche des alliés pour pallier la sortie annoncée de Washington de l’accord de Paris. La Chine partage les inquiétudes européennes, laissant entrevoir un axe potentiel Bruxelles-Pékin sur ce dossier.
Fragilités internes : le talon d’Achille européen
Mais cette quête d’influence sur la scène internationale se heurte aux divisions des Européens. Présente à l’investiture de Trump, Giorgia Meloni affiche sa proximité avec le milliardaire. Le Hongrois Viktor Orban, lui, appelle les forces nationalistes à « occuper » Bruxelles…
Défense, commerce, stratégies diplomatiques : sur tous ces dossiers, les marges de manœuvre de l’UE dépendent de sa capacité à parler d’une seule voix. Un défi de taille face à un partenaire américain plus imprévisible que jamais. L’Europe parviendra-t-elle à transformer l’essai au-delà des déclarations d’intention ? Les prochains mois s’annoncent décisifs.