Face à l’intensification de la concurrence internationale, l’Europe ne peut plus rester les bras croisés. C’est en substance le message martelé par Michel Barnier, Premier ministre français, à l’occasion du 6e forum économique France-Allemagne-Italie. Un rendez-vous placé cette année sous le signe de l’urgence réformatrice, à la veille de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis.
L’heure du “réveil européen” a sonné
Citant les velléités protectionnistes du président américain, M. Barnier a plaidé pour un véritable sursaut du Vieux Continent. “Quand j’entends Joe Biden dire ‘America First’, alors nous avons besoin d’un réveil européen, pour dire aussi ‘Europe First’ dans nos marchés publics, dans notre attitude économique”, a-t-il insisté.
Un constat sans appel après ce qu’il considère comme “trente ans de naïveté” de la part des Européens sur la politique de concurrence. La “réciprocité” doit désormais être le maître-mot dans les relations commerciales, en particulier avec les pays qui n’offrent pas les mêmes standards que l’UE.
Pas d’accord avec le Mercosur sans garanties
Exemple concret avec l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, fermement rejeté par la France en l’état. “On ne va pas accepter ça tant qu’il n’y a pas de réciprocité dans les normes. Mieux vaut prendre quelques années pour négocier correctement plutôt que de créer des crises”, a tranché Michel Barnier.
Car il en va de la crédibilité de l’Europe sur la scène internationale. “Le marché intérieur, c’est notre principal atout, la principale raison pour laquelle M. Trump ou le président chinois doivent nous respecter”, rappelle le Premier ministre.
Combler le retard de productivité
Tout n’est cependant pas rose, M. Barnier reconnaissant volontiers “le décrochage très grave” de l’Europe en termes de productivité comparé aux États-Unis, une préoccupation majeure des organisations patronales. “Il va falloir réagir”, promet-il.
Des raisons d’espérer existent néanmoins, alors que l’UE “a plutôt bien réagi” aux multiples crises traversées ces quinze dernières années. L’arrivée d’une nouvelle Commission européenne offre également des perspectives encourageantes.
Accélérer l’union des marchés de capitaux
Parmi les chantiers prioritaires figure l’union des marchés de capitaux, un processus beaucoup trop lent aux yeux du Premier ministre. Il appelle les organisations patronales européennes à “pousser” dans ce sens pour accélérer le mouvement.
Simplifier et évaluer la réglementation
Autre impératif, la simplification des normes européennes, souvent incompréhensibles pour les citoyens et les entreprises. “À Bruxelles, ils utilisent tous des mots que personne ne comprend”, ironise M. Barnier, lui-même ancien commissaire européen.
La mise en œuvre du Pacte vert européen, en particulier, n’a pas suffisamment pris en compte les conséquences sur l’industrie. “On n’a pas évalué ce qu’on faisait”, regrette le Premier ministre, saluant la décision de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen de revoir ces textes.
Un chantier qui concerne aussi la France, avec une revue des sur-transpositions de directives européennes créant des “conditions de concurrence déloyale” pour les entreprises nationales. “Je vous promets que ça va bouger vite”, assure Michel Barnier.
L’Europe à un tournant
À l’heure où les tensions commerciales s’exacerbent et où la course à l’innovation bat son plein, l’Union européenne se retrouve à un tournant. Entre la tentation du repli et la nécessité de s’affirmer comme un acteur majeur de l’économie mondiale, les 27 vont devoir faire des choix.
Michel Barnier le martèle : l’unité et une vision commune seront les clés pour relever ces défis titanesques. Des réformes structurelles d’ampleur s’imposent pour redonner à l’Europe les moyens de ses ambitions.
Car c’est bien d’un “réveil” dont il s’agit, un sursaut salvateur pour sortir de l’ornière et reprendre en main son destin face à une concurrence internationale toujours plus rude. L’Europe a les atouts pour réussir, encore faut-il qu’elle s’en donne les moyens.
Une prise de conscience semble s’opérer au plus haut niveau. Reste maintenant à passer des paroles aux actes. Le temps presse et chaque jour qui passe creuse un peu plus l’écart avec les économies les plus avancées. Pour l’Europe, le réveil ne peut plus attendre.