Face à une concurrence mondiale de plus en plus féroce, l’Europe doit se remobiliser de toute urgence pour défendre ses intérêts économiques. C’est le message fort que viennent d’adresser conjointement les trois principales organisations patronales de l’UE à la nouvelle Commission européenne. Dans une déclaration commune dévoilée ce vendredi, le Medef français, la Confindustria italienne et le BDI allemand tirent la sonnette d’alarme et exhortent Bruxelles à prendre des mesures immédiates pour éviter un décrochage du Vieux continent.
Le timing de cette initiative n’est pas anodin. À deux mois du retour au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis, les milieux d’affaires européens craignent de voir l’Europe prise en étau entre les ambitions de Washington et la montée en puissance de la Chine. Pour Patrick Martin, président du Medef, les récents rapports alarmistes des anciens dirigeants italiens Enrico Letta et Mario Draghi sur l’état du marché unique doivent servir « d’électrochoc » et provoquer un « sursaut » des Vingt-Sept.
Quatre priorités pour muscler l’Europe
Mais au-delà du constat, quelles solutions ? Dans leur déclaration commune, les trois grands patronats détaillent quatre priorités sur lesquelles ils attendent des avancées concrètes « dans l’année » de la part de la Commission :
1. Une énergie bon marché et décarbonée
Pour les entreprises, garantir leur compétitivité passe d’abord par un approvisionnement en énergie abordable. Les patronats plaident pour l’adoption rapide d’une approche « neutre technologiquement » favorisant toutes les solutions bas-carbone, y compris le nucléaire. Un point qui ne manquera pas de faire débat alors que plusieurs États membres, dont l’Allemagne, sont en train de sortir de l’atome.
2. Une simplification réglementaire d’envergure
Autre cheval de bataille : la « surréglementation » bruxelloise, régulièrement dénoncée par le monde économique. Le Medef, la Confindustria et le BDI demandent ni plus ni moins que le passage en revue des 13 000 lois votées depuis 2019 par l’UE, avec la suppression de « toutes celles n’ayant pas atteint leurs objectifs ». Deux directives sont particulièrement dans le viseur :
- La CSRD sur le reporting extra-financier des entreprises
- La CS3D sur le devoir de vigilance environnemental et social
Jugées trop contraignantes, ces nouvelles obligations font l’objet d’un intense lobbying patronal pour les assouplir, voire les vider de leur substance.
3. Des investissements massifs dans l’innovation
Pour tenir la distance face aux États-Unis et à la Chine, l’Europe doit aussi mettre le paquet sur la recherche et l’innovation, plaident les organisations patronales. Leur objectif : faire passer à 3% du PIB les investissements en R&D dans l’UE, contre un peu plus de 2% actuellement. Un effort qui nécessitera la mobilisation de financements publics et privés conséquents.
4. Un véritable marché unique des capitaux
Enfin, pour drainer ces investissements vers les entreprises et les projets stratégiques, les patronats appellent à la mise en place d’un « véritable marché unique des capitaux » qui fait encore défaut à l’Europe. Malgré des avancées ces dernières années, la fragmentation persiste entre les différentes places financières du continent. Un handicap face à la puissance de Wall Street.
Des propositions ambitieuses, mais qui ne sont pas sans soulever des questions, notamment sur le plan social et environnemental. Jusqu’où l’Europe est-elle prête à aller dans la « simplification » de ses règles pour restaurer sa compétitivité ? Le débat s’annonce animé à Bruxelles et dans les capitales, alors que la nouvelle Commission d’Ursula von der Leyen doit dévoiler mi-juillet son grand plan pour « une économie au service des personnes ». Mais d’ores et déjà, une chose est sûre : sous la pression d’une conjoncture géopolitique de plus en plus tendue, l’UE va devoir faire des choix stratégiques. Et vite.