La question brûlante des pesticides vient de resurgir sur le devant de la scène politique française. Lors d’un déplacement dans le Pas-de-Calais ce jeudi, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a affirmé sans détour que les pesticides autorisés au niveau européen devraient l’être « également en France ». Une prise de position qui ne manquera pas de faire des vagues.
Une pression de l’UE sur la France ?
Annie Genevard justifie sa position en invoquant les autorisations délivrées par les 26 autres pays de l’Union européenne. Selon elle, ces États ne prendraient pas de telles décisions « au mépris de la santé de leur population ». La ministre sous-entend ainsi que la France, avec ses normes plus strictes, serait en décalage avec ses voisins européens.
Cette sortie ravive immédiatement les tensions sur un sujet hautement sensible. D’un côté, les défenseurs de l’environnement et de la santé publique s’insurgent contre tout assouplissement de la réglementation française sur les pesticides. De l’autre, le monde agricole réclame un alignement des règles pour rétablir sa compétitivité face à la concurrence européenne.
Le spectre de la concurrence déloyale
Le premier ministre Michel Barnier avait déjà mis le feu aux poudres mercredi en dénonçant les « surtranspositions » françaises des directives européennes. Celles-ci créeraient selon lui « une concurrence déloyale » pour les entreprises tricolores. Un argument repris par la ministre de l’Agriculture.
Chacune de ces surtranspositions quand elle n’est pas justifiée, créé quelque part une concurrence déloyale que nous créons nous-mêmes contre nos propres entreprises
Michel Barnier devant le Sénat
Le gouvernement semble donc décidé à passer en revue toute la réglementation française sur les pesticides. L’exécutif envisage de supprimer les dispositions allant au-delà des exigences européennes, sauf si celles-ci sont « justifiées ».
Un débat qui s’annonce houleux
Sans surprise, les propos d’Annie Genevard ont suscité un tollé parmi les écologistes et les ONG. Ces derniers accusent le gouvernement de vouloir « brader la santé des Français » sur l’autel de la compétitivité économique. Ils rappellent les dangers avérés de nombreux pesticides pour la santé humaine et la biodiversité.
- De nombreux pesticides sont classés cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques
- Leur usage intensif est accusé de favoriser le déclin massif des insectes pollinisateurs
- Des résidus de pesticides sont fréquemment détectés dans l’alimentation
À l’inverse, les principaux syndicats agricoles se félicitent de l’intention du gouvernement de « remettre de la cohérence » dans la réglementation. Ils militent de longue date pour un assouplissement des restrictions, jugeant la pression réglementaire insoutenable pour les exploitations françaises.
Un équilibre périlleux à trouver
Le gouvernement va devoir naviguer entre deux eaux particulièrement agitées sur ce dossier. D’un côté, il ne peut ignorer la pression grandissante de l’opinion publique en faveur d’une agriculture plus vertueuse. Les récents succès électoraux des écologistes témoignent de cette aspiration sociétale.
Mais dans le même temps, l’exécutif est attendu au tournant par la profession agricole. Fragilisés par des crises à répétition, les agriculteurs exigent des actes pour desserrer l’étau réglementaire et retrouver des marges de manœuvre. La souveraineté alimentaire de la France est en jeu, argue la FNSEA.
On ne peut pas laisser nos filières dans le désarroi voire le désespoir
Annie Genevard, ministre de l’Agriculture
Le gouvernement promet un débat « transparent et apaisé » au Parlement sur ce brûlant sujet des pesticides. Mais au vu des positions tranchées des différents acteurs, les échanges s’annoncent musclés. L’exécutif saura-t-il trouver le point d’équilibre entre les impératifs économiques, sanitaires et environnementaux ? Réponse dans les prochaines semaines, avec des arbitrages qui seront scrutés de près.