Un procès historique vient de s’achever en Belgique. Pour la première fois, l’État belge a été reconnu coupable de crime contre l’humanité pour ses actes durant la période coloniale au Congo. Au cœur de l’affaire : l’enlèvement systématique d’enfants métis, arrachés à leurs mères congolaises dans les années 1940 et 1950.
Une politique de ségrégation raciale institutionnalisée
Pendant des décennies, l’administration coloniale belge au Congo a mené une politique de séparation des enfants métis de leurs familles. Nés de relations entre des hommes blancs et des femmes noires, ces enfants étaient considérés comme une menace pour l’ordre colonial.
Dès leur plus jeune âge, généralement entre 2 et 4 ans, ils étaient retirés de force à leurs mères pour être placés dans des institutions religieuses. Là, coupés de leurs racines, ils subissaient de mauvais traitements et se voyaient privés de leur identité.
Les métis étaient écartés car ils mettaient la colonie en danger (…) Leur quête d’identité est encore à ce jour empêchée.
Me Michèle Hirsch, avocate des plaignantes
Un plan systématique d’enlèvement basé sur les origines
La cour d’appel de Bruxelles a estimé que ces enfants avaient été enlevés « sans l’accord de leur mère, avant l’âge de 7 ans, par l’État belge en exécution d’un plan de recherche et d’enlèvement systématique ». Et ce, « uniquement en raison de leurs origines ».
Cet enlèvement constitue « un acte inhumain et de persécution » assimilable à un crime contre l’humanité selon le droit international, comme défini dans les principes du Tribunal de Nuremberg dès 1946.
Une première victoire pour les enfants métis
Ce procès, intenté par cinq femmes métisses aujourd’hui septuagénaires, marque un tournant. C’est la première fois que la Belgique est condamnée pour ses actes durant la période coloniale au Congo, qui a pris fin avec l’indépendance en 1960.
La cour a reconnu le préjudice moral subi par les plaignantes en raison de « la perte de leur lien à leur mère et de l’atteinte à leur identité et à leur lien à leur milieu d’origine ». L’État belge devra les indemniser.
On a gagné.
Me Michèle Hirsch, avocate des plaignantes
Un premier pas vers la reconnaissance
Si ce jugement constitue une avancée majeure, le combat est loin d’être terminé. On estime à environ 15 000 le nombre d’enfants métis concernés par ces enlèvements forcés dans les anciennes colonies belges (Congo, Rwanda, Burundi).
Beaucoup d’entre eux attendent toujours une reconnaissance officielle des souffrances endurées et une réparation de la part de l’État belge. Ce procès ouvre la voie à d’autres actions en justice.
Au-delà des indemnisations financières, c’est tout un pan de l’histoire coloniale belge qui est mis en lumière. Un passé douloureux et trop longtemps tu, qui nécessite un véritable travail de mémoire et de réparation.
Vers une nécessaire introspection sur le passé colonial
Cette condamnation historique interroge plus largement la responsabilité de la Belgique dans les crimes commis durant la période coloniale. Elle appelle à une prise de conscience collective et à un examen critique du passé.
De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer un véritable travail de mémoire, une reconnaissance des souffrances infligées aux populations colonisées et une réparation des préjudices subis.
Ce procès n’est qu’une première étape. Le chemin vers une réconciliation avec ce passé douloureux est encore long. Mais il est indispensable pour construire une société plus juste et inclusive, qui assume pleinement son histoire dans toute sa complexité.
Conclusion
La condamnation de l’État belge pour l’enlèvement d’enfants métis au Congo est un jugement historique. Il marque une avancée dans la reconnaissance des crimes commis durant la période coloniale et ouvre la voie à d’autres actions en réparation.
Mais au-delà de l’aspect juridique, ce procès est un appel à un véritable travail de mémoire et d’introspection sur le passé colonial de la Belgique. Un travail nécessaire pour panser les plaies et construire une société réconciliée avec son histoire.