Alors que l’intelligence artificielle (IA) s’impose comme une technologie révolutionnaire, son impact sur le secteur de l’énergie suscite de plus en plus d’interrogations. Si ses applications promettent d’optimiser les réseaux électriques, sa consommation exponentielle d’électricité pourrait bien remettre en question la transition énergétique. Pour la première fois, experts de l’IA et de l’énergie se réunissent lors d’un congrès international à Paris pour débattre de cet enjeu crucial.
L’IA, une boulimique d’électrons qui pose question
Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), les data centers abritant nos données et alimentant l’IA ne représentent encore que 1% de la consommation électrique mondiale. Mais localement, leur impact est déjà spectaculaire. En Irlande et dans l’état américain de Virginie, les chiffres grimpent respectivement à 20% et 25% de la demande d’électricité en 2023. Et ce n’est qu’un début.
Le cloud computing, déjà très énergivore, a vu sa consommation exploser avec l’émergence de l’IA générative, beaucoup plus gourmande en données et en puissance de calcul. Une simple requête sur ChatGPT consommerait ainsi 10 fois plus qu’une recherche Google. De quoi semer le doute sur la soutenabilité de l’IA à grande échelle.
Une concentration géographique problématique
Outre leur consommation électrique galopante, les data centers posent un autre défi de taille : leur tendance à se concentrer dans certaines zones géographiques. Près de 11 000 data centers sont recensés dans le monde, principalement aux États-Unis, au Royaume-Uni, à Singapour et dans quelques grandes métropoles comme Pékin, Shanghai, Tokyo, Francfort ou Paris.
Cette concentration met le réseau électrique à rude épreuve localement et crée des goulots d’étranglement pour raccorder ces installations ultra-énergivores. Un casse-tête pour les gestionnaires de réseaux qui doivent adapter leurs infrastructures en conséquence.
Des géants du numérique au pied du mur
Face à l’envolée de leur empreinte carbone, les mastodontes de la tech sont sous pression. En 5 ans, les émissions de CO2 de Google ont bondi de 48%. Pour verdir leur mix électrique, Microsoft, Google et Amazon misent sur les énergies renouvelables mais aussi, fait nouveau, sur le nucléaire.
Pour avoir une vision globale de ce que signifie l’IA pour le monde de l’énergie, nous devons réunir le secteur de l’énergie, le secteur technologique et les décideurs politiques, ce qui ne s’est jamais vraiment produit auparavant.
Thomas Spencer, AIE
Un congrès pour décrypter l’avenir énergétique de l’IA
L’AIE a convié les grands noms de l’énergie (EDF, BP, TotalEnergies…), ceux de la tech (Microsoft, Google, Nvidia…), des industriels et des représentants de nombreux pays à échanger pendant deux jours à Paris. Objectif : mieux cerner les opportunités mais aussi les défis énergétiques posés par l’IA.
D’un côté, l’IA suscite de grands espoirs pour optimiser et flexibiliser le pilotage des réseaux électriques, mieux intégrer les énergies renouvelables intermittentes ou encore développer des batteries plus performantes pour véhicules électriques. De l’autre, sa boulimie électrique menace d’aggraver la crise climatique si rien n’est fait pour la maîtriser.
Nous savons très bien combien de voitures sont vendues chaque année dans le monde, combien d’entre elles sont électriques… Mais si vous voulez savoir combien de centres de données sont en construction en France ou en Irlande, il est assez difficile d’aller chercher cette information.
Thomas Spencer, AIE
Pour l’AIE, l’heure est à la prise de conscience et à la transparence. Il est urgent de quantifier précisément l’impact énergétique de l’IA pour mieux l’encadrer et trouver des solutions permettant de concilier cette technologie à fort potentiel avec les impératifs de la transition bas-carbone. Un défi colossal mais incontournable pour que l’intelligence artificielle reste au service du progrès plutôt que de devenir un boulet pour le climat.