Le secteur touristique espagnol est en pleine effervescence suite à l’entrée en vigueur d’un nouveau registre administratif controversé. Cette mesure, mise en place par le ministère de l’Intérieur, impose aux établissements d’hébergement et aux entreprises liées au tourisme de fournir des informations détaillées sur leurs clients via une plateforme numérique dédiée. Mais cette initiative, présentée comme un outil de prévention contre le terrorisme et la criminalité organisée, suscite l’indignation des professionnels qui y voient une menace pour la vie privée et un fardeau bureaucratique inutile.
Une collecte de données jugée excessive
Alors que les entreprises étaient déjà tenues de transmettre certaines informations de base sur leurs clients, comme le nom ou le numéro de document d’identité, le nouveau registre va beaucoup plus loin. Désormais, elles doivent également fournir des détails comme le numéro de téléphone, le lieu de naissance ou encore le mode de paiement utilisé. Une demande perçue comme disproportionnée par les organisations professionnelles du secteur.
Selon ces dernières, plus de 40 informations seraient à collecter pour chaque client, un chiffre qui monterait même à plus de 60 dans le cas des locations de voiture. Une situation inacceptable pour Juan Molas, président de l’association Mesa del Turismo, qui dénonce un « décret gouvernemental malheureux et incompréhensible » adopté sans véritable dialogue avec les acteurs concernés.
Vie privée menacée et risques pour les entreprises
Au-delà de la lourdeur administrative, c’est surtout l’atteinte à la vie privée des voyageurs qui inquiète. Ramón Estalella, secrétaire général de la Confédération espagnole des hôtels et hébergements touristiques (CEHAT), alerte sur les dangers de ce nouveau système :
Avec ce nouveau système, la vie privée des personnes n’est pas respectée. Cela fait peser un risque très important sur les entreprises concernées.
Ramón Estalella, secrétaire général de la CEHAT
Les agences de voyage ne sont pas en reste et comptent bien faire annuler ce dispositif. Dans une lettre adressée aux ministres de l’Intérieur et du Tourisme, la Confédération espagnole des agences de voyages (CEAV) fustige une « norme disproportionnée » qui pourrait fragiliser de nombreuses PME du secteur, incapables de supporter les coûts opérationnels induits.
Un combat pour préserver l’attractivité touristique de l’Espagne
Deuxième destination touristique mondiale derrière la France, l’Espagne a accueilli un nombre record de 85,1 millions de visiteurs en 2022. Un chiffre qui devrait encore être dépassé cette année selon l’organisation patronale Exceltur, après une fréquentation historiquement élevée durant l’été.
Mais les professionnels craignent que ce nouveau registre ne vienne ternir l’image du pays et faire fuir les touristes, attachés à leur vie privée. La CEAV met en garde :
Nous ne soumettrons personne à un interrogatoire, nous ne pouvons pas le faire. Ce système est susceptible de faire fuir les visiteurs.
Extrait de la lettre de la CEAV aux ministres de l’Intérieur et du Tourisme
Face à cette fronde, le gouvernement espagnol sera-t-il contraint de revoir sa copie ? C’est en tout cas le souhait des acteurs du tourisme, déterminés à préserver l’attractivité de la destination et la confiance des voyageurs. Un bras de fer s’engage donc entre les professionnels et les autorités, avec en toile de fond la question cruciale de l’équilibre entre sécurité et respect de la vie privée dans un secteur aussi stratégique que le tourisme.
- Le nouveau registre administratif impose la collecte de 40 à 60 informations sur chaque client
- Les professionnels dénoncent une atteinte à la vie privée et une lourdeur administrative excessive
- Ils craignent une perte d’attractivité de la destination espagnole, 2ème mondiale
- Un bras de fer s’engage avec le gouvernement pour faire annuler cette mesure controversée
Le débat est loin d’être clos et les prochains mois s’annoncent décisifs pour l’avenir du secteur touristique espagnol. Entre impératifs sécuritaires et défense des libertés individuelles, le gouvernement devra trouver un juste équilibre pour apaiser les tensions et rassurer l’ensemble des parties prenantes. Une équation complexe dont dépendra la pérennité d’un pan essentiel de l’économie du pays.