L’Espagne se démarque une nouvelle fois en Europe par sa politique migratoire d’ouverture. Le gouvernement de gauche vient d’annoncer l’adoption d’une réforme réglementaire qui permettra, selon ses estimations, de régulariser des dizaines de milliers de migrants illégaux supplémentaires chaque année.
Une réforme ambitieuse pour intégrer les immigrés
D’après la ministre de l’Inclusion et des Migrations Elma Saiz, l’objectif est clair : « renforcer et élargir les voies d’accès à la régularisation pour les migrants qui se trouvent en Espagne, afin qu’ils puissent mener une vie pleine en tant que citoyens : avoir des droits et des devoirs ». Concrètement, cette réforme va faciliter les démarches et réduire les délais pour obtenir un titre de séjour. Elle étend aussi certains droits des travailleurs migrants et crée de nouveaux statuts ouvrant la voie à une régularisation.
Fin 2023, environ 210 000 migrants étaient enregistrés dans les différentes procédures de naturalisation en Espagne, soit 85 000 de plus que l’année précédente. Avec la nouvelle réforme, le gouvernement table sur une régularisation pouvant aller jusqu’à 300 000 personnes par an durant les trois prochaines années. Un chiffre conséquent, justifié par les besoins de main d’œuvre du pays.
L’immigration, une nécessité économique pour l’Espagne
Comme l’a souligné la ministre, de nombreux organismes estiment que l’Espagne a besoin d’environ 250 000 à 300 000 travailleurs étrangers chaque année pour maintenir son niveau de vie. Le Premier ministre Pedro Sánchez avait d’ailleurs déclaré récemment que le pays devait choisir entre « être ouvert et prospère ou fermé et pauvre ». Un choix assumé par le gouvernement, qui voit dans l’immigration une opportunité plus qu’une menace.
Actuellement, près de 2,9 millions d’étrangers cotisent chaque mois à la sécurité sociale espagnole, soit 13,6% du total des affiliés. Un chiffre en hausse constante ces dernières années, qui témoigne de l’importance croissante des immigrés dans l’économie du pays.
L’exception espagnole en Europe
Alors que de nombreux pays européens durcissent leurs politiques migratoires, l’Espagne fait figure d’exception en misant sur l’accueil et l’intégration. Une position à contre-courant, motivée principalement par des raisons économiques, mais qui suscite aussi des critiques.
Car l’Espagne reste l’une des principales portes d’entrée de l’immigration clandestine en Europe, avec l’Italie et la Grèce. Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 54 000 personnes sont entrées illégalement dans le pays entre janvier et mi-novembre 2024, soit 7 400 de plus que l’année précédente sur la même période.
L’archipel des Canaries, point névralgique des arrivées
C’est surtout l’archipel des Canaries, au large du Maroc, qui concentre une grande partie des arrivées de migrants. Près de 40 000 personnes y ont débarqué illégalement en 2024, contre un peu plus de 32 000 en 2023. Une situation préoccupante pour les autorités locales, qui peinent à gérer cet afflux.
Face à cette pression migratoire, certains s’inquiètent des conséquences de la nouvelle réforme. Ils craignent qu’elle n’encourage encore plus de migrants à tenter la traversée, au péril de leur vie, avec l’espoir d’être régularisés une fois en Espagne. D’autres y voient au contraire une manière pragmatique et humaine de gérer une réalité qui s’impose au pays, tout en tirant parti de cette main d’œuvre nécessaire à l’économie.
Un pari audacieux et controversé
Quoi qu’il en soit, cette réforme marque un tournant dans la politique migratoire espagnole et européenne. Elle témoigne de la volonté du gouvernement de gauche de Pedro Sánchez d’aborder la question sous un angle nouveau, privilégiant l’intégration à la fermeture.
Un pari audacieux et controversé, qui sera scruté de près par les autres pays du continent. Car au-delà de l’Espagne, c’est toute l’Europe qui est confrontée au défi migratoire et qui doit trouver des réponses à la fois fermes et humaines. Entre contrôle des frontières et respect du droit d’asile, entre besoins économiques et cohésion sociale, l’équation est complexe et les solutions loin d’être évidentes.
La réforme espagnole apporte sa pierre à l’édifice, non sans soulever des questions et des inquiétudes. Elle sera un test grandeur nature, dont les résultats seront analysés avec attention dans les années à venir. Réussira-t-elle à concilier ouverture et maîtrise des flux migratoires ? Permettra-t-elle une meilleure intégration des immigrés dans la société et l’économie espagnoles ? L’avenir le dira.
Une chose est sûre : face à l’ampleur et à la complexité des enjeux migratoires, aucun pays ne pourra faire l’économie d’une réflexion approfondie et d’une action déterminée. L’Espagne a choisi sa voie, non sans risques mais avec la conviction de servir au mieux ses intérêts et ses valeurs. Un exemple inspirant ou un contre-modèle ? Le débat ne fait que commencer.