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L’Espagne à Contre-Courant sur l’Immigration en Europe

L'Espagne nage à contre-courant de la tendance européenne en matière d'immigration. Le gouvernement défend une approche plus ouverte, motivée par des raisons économiques et humanitaires. Mais cette position singulière pourra-t-elle tenir face à une opinion publique de plus en plus préoccupée ?

Alors que de nombreux pays de l’Union européenne durcissent leur politique en matière d’immigration, l’Espagne fait figure d’exception en défendant une approche plus ouverte et pragmatique, motivée notamment par ses besoins économiques. Mais cette position à contre-courant pourra-t-elle tenir sur le long terme ?

L’Espagne, un “cas unique” en Europe

Selon une source proche du dossier, l’Espagne se démarque par sa politique migratoire plus souple au sein de l’UE. Les migrants illégaux peuvent y obtenir un titre de séjour après seulement trois ans de résidence, une singularité dans le paysage européen.

Si nous voulons faire face au défi démographique européen, si nous voulons garantir la durabilité de nos pensions et de notre État-providence, nous avons besoin de la contribution de l’immigration.

Pedro Sánchez, Premier ministre espagnol

Cette approche s’explique par l’histoire de l’Espagne, marquée par une longue tradition d’émigration et un fort attachement aux droits humains depuis l’avènement de la démocratie en 1975. Mais elle répond aussi aux besoins de son économie, notamment dans le tourisme et l’agriculture, secteurs en manque de main d’oeuvre.

Des besoins économiques prégnants

Avec plus de la moitié des entreprises espagnoles déclarant avoir des problèmes de recrutement, le gouvernement mise sur le développement de la “migration circulaire”. L’objectif : permettre à des travailleurs migrants de venir en Espagne avec un contrat temporaire pour répondre aux besoins d’un secteur, avant de rentrer dans leur pays d’origine.

Cette politique vise aussi à réduire les arrivées illégales, en particulier aux îles Canaries, débordées par l’afflux de migrants. Le Premier ministre Pedro Sánchez a récemment effectué une tournée dans plusieurs pays africains pour promouvoir ce modèle de migration régulée.

Une position de plus en plus inconfortable ?

Mais la position espagnole apparaît de plus en plus isolée en Europe, à mesure que les discours anti-immigration progressent. Même le Parti Populaire, principale force d’opposition de droite, s’est aligné sur les positions dures du parti d’extrême droite Vox sur le sujet.

Résultat : selon un récent sondage, l’immigration serait devenue la principale préoccupation des Espagnols. De quoi fragiliser la ligne défendue par Pedro Sánchez, qui pourrait se retrouver en porte-à-faux vis-à-vis de son opinion publique.

Une politique migratoire “ambigüe”

Certains chercheurs pointent aussi les limites et ambiguïtés de l’approche espagnole. Car si Madrid rejette la création de centres pour migrants dans des pays tiers, le gouvernement coopère étroitement avec le Maroc pour contenir les arrivées dans les enclaves de Ceuta et Melilla.

La politique migratoire de l’Espagne n’est pas forcément très innovatrice ni très ouverte, mais elle apparaît comme une alternative à mesure que ses voisins européens se tournent vers l’extrême droite.

Lorenzo Gabrielli, chercheur à l’université Pompeu Fabra de Barcelone

Pedro Sánchez compte néanmoins maintenir le cap. Selon une source bien informée, le gouvernement préparerait une réforme migratoire d’envergure, visant à régulariser des dizaines de milliers de sans-papiers et à réduire les délais pour obtenir un permis de séjour.

Un pari risqué, alors que la question migratoire s’impose comme un enjeu central des prochaines élections européennes. L’Espagne parviendra-t-elle à incarner une troisième voie entre fermeture et “naïveté” sur le sujet ? L’avenir nous le dira.

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