Ils pédalent pour aller au bureau et n’hésitent pas à le faire savoir sur la toile. Les “vélotaffeurs”, ces adeptes du vélo pour leurs trajets domicile-travail, sont de plus en plus nombreux à partager leurs expériences, bonnes ou mauvaises, sur les réseaux sociaux. YouTube, X (anciennement Twitter), Facebook… À travers photos et vidéos, ils documentent leurs déplacements quotidiens, mettant en lumière les nouveaux aménagements urbains, dénonçant les comportements dangereux d’autres usagers ou prodiguant des conseils d’équipement. Un militantisme 2.0 qui ne fait pas l’unanimité.
Quand pédaler rime avec partager
Pour ces cyclistes connectés, chaque trajet est l’occasion de créer du contenu. Filmant leur parcours à l’aide de caméras fixées sur leur casque ou guidon, ils immortalisent ainsi leur expérience au jour le jour. Une façon de mettre en avant les avantages du vélo en ville, mais aussi de pointer du doigt les problèmes rencontrés : pistes cyclables mal entretenues, véhicules stationnés sur les voies dédiées, conducteurs irrespectueux…
Via leurs publications souvent très suivies, les vélotaffeurs espèrent faire bouger les lignes et inciter les pouvoirs publics à améliorer les conditions de circulation des cyclistes en milieu urbain. Un engagement chronophage pour certains, à l’image d’Altis, l’un des vélotaffeurs les plus populaires de France sur les réseaux. “C’est devenu un travail à plein temps”, confie celui qui peut passer une semaine à préparer une seule vidéo.
Rides et followers
Si le partage d’expérience est au cœur de la démarche, la quête de notoriété n’est jamais loin. Car plus leur communauté est large, plus l’impact de leurs messages est fort. Certains vélotaffeurs sont ainsi devenus de véritables influenceurs, avec à la clé des partenariats rémunérés avec des marques ou des collectivités. Une exposition médiatique parfois critiquée, certains internautes les accusant de staging, c’est-à-dire de provoquer volontairement des situations dangereuses pour faire le buzz.
Faire passer un message positif pour inciter les gens à se mettre au vélo, c’est important. Mais ce n’est pas toujours simple d’éviter l’écueil du sensationnalisme.
Un vélotaffeur sous couvert d’anonymat
Rouler pour la cause, au risque du clash
Car sur les réseaux sociaux, la frontière entre témoignage et militantisme est souvent ténue. En se faisant les porte-voix des cyclistes au quotidien, les vélotaffeurs s’exposent à des réactions parfois violentes de la part d’autres usagers de la route. Les commentaires dérapent régulièrement, chaque camp se renvoyant la responsabilité des tensions sur le bitume.
Un climat de défiance que certains vélotaffeurs entretiennent malgré eux, en adoptant un ton accusateur ou moralisateur dans leurs publications. “Il faut savoir raison garder”, estime Marc, créateur d’une chaîne YouTube consacrée au vélo urbain. “Notre but c’est de promouvoir les mobilités douces, pas de jeter de l’huile sur le feu”. Un équilibre délicat à trouver pour ces nouveaux militants de la pédale.
Du bitume au numérique, même combat
Malgré les polémiques, l’impact des vélotaffeurs sur les réseaux sociaux est indéniable. En donnant une visibilité inédite aux problématiques des cyclistes urbains, ils contribuent à faire évoluer les mentalités et les politiques publiques en faveur des déplacements à vélo. Pistes cyclables, stationnements dédiés, sécurisation des parcours… Autant de sujets mis sur le devant de la scène par cette communauté connectée.
- Les grandes villes multiplient les aménagements cyclables sous la pression des associations et des usagers
- Le vélo représente désormais près de 5% des déplacements domicile-travail dans certaines métropoles
- Les ventes de vélos ont bondi de 25% en 2022, portées par les déplacements utilitaires
Alors simples témoins ou véritables militants ? Une chose est sûre, les vélotaffeurs 2.0 sont devenus des acteurs à part entière du débat sur la place du vélo en ville. Et à l’heure des défis environnementaux et sanitaires, leur voix compte plus que jamais pour repenser nos façons de nous déplacer au quotidien. Avec, toujours, ce mot d’ordre : “Rouler, c’est exister”. Sur la route comme sur le web.