Vendredi dernier, dans un appartement parisien baigné de lumière, l’artiste Jean-Charles de Castelbajac a dévoilé en exclusivité sa dernière œuvre : les nouvelles tenues liturgiques qui pareront Notre-Dame de Paris pour sa réouverture tant attendue, les 7 et 8 décembre prochains. Cinq ans après l’incendie dévastateur, ces créations signent le renouveau de la cathédrale, mais aussi un message d’espérance pour notre époque troublée.
Des tenues empreintes de simplicité et de symbolique
Pour ce projet très spécial, celui que l’on surnomme “JCC” a voulu s’éloigner des atours traditionnellement chargés et richement brodés du culte catholique. “Il ne s’agissait pas de faire des vêtements de luxe, il s’agissait de parler de +lux+ (lumière en latin, NDLR)”, explique-t-il. Le résultat : un design épuré, qui mise tout sur la force des couleurs et des symboles.
Au cœur de chaque pièce, une grande croix d’or rayonnante, qui diffuse la joie et l’espérance. Autour d’elle, des éclats de velours rouge, bleu, vert et jaune, comme autant de fragments de vitraux. “J’ai construit mes vêtements liturgiques autour de cette croix rayonnante, qui diffuse la joie, l’espérance, le vivre ensemble par la multiplicité de ces couleurs”, détaille Jean-Charles de Castelbajac avec ferveur.
Ces teintes vives, ses fétiches, il les qualifie d'”universelles”, de “gamme du peuple”. Dans le rouge, il voit le sang du Christ ; dans le bleu, celui de Marie ; dans le vert, l’espérance ; dans le jaune, l’or, “synthèse de tout”. Un langage sans parole destiné à “donner de la force” en cette “époque de dystopie”.
L’humilité de la laine, la modernité du floquage
Méticuleusement, “JCC” caresse et déploie les drapés. Le support ? Une humble gabardine de laine écrue. Car comme il le souligne, “il ne s’agissait pas de faire des vêtements de luxe”. Pour autant, les finitions rivalisent avec celles des plus grandes maisons : pendant un an et demi, l’artiste a collaboré avec les meilleurs artisans français (Lesage, Goossens…) pour donner vie à sa vision.
Autre clin d’œil surprenant : les motifs sont floqués, comme des sweat-shirts, pour “rallier la modernité”. Un trait d’union inattendu entre tradition séculaire et tendances actuelles, qui incarne toute la démarche de Castelbajac : créer des ornements “qui parlent aux enfants, aux croyants comme aux athées”.
S’inscrire avec humilité dans la grande histoire de Notre-Dame
Pour ce chrétien fervent, passionné d’histoire, c’est “l’aboutissement” d’une vie de designer. Il confie son émotion de s’inscrire ainsi, “avec humilité”, dans la longue saga de la cathédrale, “comme un compagnon”. Un souvenir d’adolescent l’a particulièrement inspiré : celui d’une très simple robe du trésor de Notre-Dame ayant appartenu à Saint-Louis, “cruciforme, extrêmement simple”, qui a marqué sa vocation.
Dans le tragique incendie du 15 avril 2019, Jean-Charles de Castelbajac a vu “comme un signal de prémonition à un monde en difficulté”. Mais aussi “le feu de l’espérance”. Ses tenues liturgiques se veulent porteuses de ce message, telle une lumière dans l’obscurité. L’art au service de la foi, de la “spiritualité”, qu’il sent menacée en notre époque matérialiste.
“C’est presque plus +rock’n’roll+ aujourd’hui de travailler pour l’Église que d’être avec les Sex Pistols sur la Tamise en 77 !”
Jean-Charles de Castelbajac, avec un clin d’œil malicieux
Un pari audacieux, à contre-courant, pour cet “infatigable optimiste”, défenseur d’un “art gentil”, “pas du tout tendance”. Gageons que son talent et sa sincérité sauront, une fois encore, toucher les cœurs et rallumer “l’étincelle qui est en chacun de nous”. Rendez-vous en décembre pour découvrir ces créations uniques lors des célébrations de réouverture de Notre-Dame !