Vous êtes de plus en plus nombreux à vouloir réduire votre consommation d’alcool, sans pour autant renoncer au plaisir de déguster une bonne bière ou un verre de vin. Face à cette demande croissante, les fabricants rivalisent d’ingéniosité pour créer des boissons sans alcool toujours plus savoureuses. Mais comment parviennent-ils à préserver les arômes et les saveurs, tout en éliminant l’alcool ? Enquête sur les coulisses d’une industrie en pleine effervescence.
Brassage Traditionnel et Haute Technologie
Chez les brasseurs, deux écoles s’affrontent. D’un côté, les puristes comme Christophe Malizia, de la microbrasserie du Grand Morin en Seine-et-Marne, qui jure que « la bière à zéro pourcent, ce n’est pas de la bière ». Lui mise tout sur un savant dosage des ingrédients pour obtenir des bières légèrement alcoolisées, entre 0,3% et 0,4%. Une méthode qui nécessite un vrai savoir-faire artisanal.
De l’autre, les géants de l’industrie comme Kronenbourg, qui investissent massivement dans des technologies de pointe pour « désalcooliser » leurs bières. Le processus se déroule après le brassage classique et repose sur une évaporation sous vide à basse température. Objectif : extraire l’alcool en préservant au maximum les arômes. Un défi technique qui nécessite des équipements coûteux et une expertise pointue.
Le Casse-Tête des Arômes
Car le nerf de la guerre, c’est bien la conservation des arômes. Malgré toutes les précautions, une partie s’évapore inévitablement avec l’alcool. Pour compenser, les brasseurs industriels réinjectent des arômes naturels après désalcoolisation. Le but : se rapprocher le plus possible du goût d’origine. Un exercice d’équilibriste qui ne fait pas l’unanimité chez les amateurs de bière.
Bien sûr, pour des gros volumes, il existe des processus industriels pour diminuer le niveau d’alcool, mais, pour moi, ce sont des produits ultratransformés, un peu comme les cordons bleus !
Christophe Malizia, brasseur artisanal
Le Vin Sans Alcool : Une Hérésie ?
Dans le monde du vin aussi, la question divise. Longtemps considérée comme un sacrilège, la désalcoolisation du vin commence à séduire de plus en plus de vignerons. Mais peut-on encore parler de vin quand le breuvage titre 0% ?
En dessous de 9 degrés, il faut dire les choses : non, ce n’est pas du vin. Nous préférons parler de boisson sans alcool. Ce que l’on cherche, c’est de proposer un complément du vin, pas un substitut.
Fathi Benni, cofondateur du Petit Béret, gamme de vins désalcoolisés
Là encore, différentes techniques existent, de l’osmose inverse à la distillation sous vide en passant par des levures spéciales empêchant la fermentation alcoolique. Le résultat se rapproche plus ou moins du vin d’origine, avec souvent un goût plus sucré. Un profil qui séduit une clientèle différente des amateurs de vin.
Cap sur l’Innovation
Face à ces contraintes techniques, certains préfèrent partir d’une page blanche. C’est le cas de la marque Moderato, qui propose depuis 2021 des « assemblages sans alcool » à base d’épices et de plantes. Ou encore de JNPR, qui distille baies de genièvre et autres botaniques dans des alambics en cuivre, pour un résultat proche d’un gin… mais sans la moindre goutte d’alcool.
La recherche de la similitude, ce n’est pas mon objectif premier. Ce que je cherche, c’est surtout à faire un produit qui ait du goût, et qui soit aussi sain.
Valérie De Sutter, fondatrice de JNPR
Des initiatives applaudies par Christophe Malizia : « Je préfère amener des gens qui n’aiment pas la bière à découvrir de nouvelles saveurs. » Le brasseur mise lui aussi sur l’originalité, avec des recettes à base de fruits, d’épices et même de fleurs. De quoi réconcilier amateurs d’alcool et de boissons saines ?
Des Pistes à Foison
Une chose est sûre : le marché des boissons sans alcool a de beaux jours devant lui. Avec une croissance à deux chiffres chaque année, les industriels comme les artisans rivalisent d’inventivité pour satisfaire une demande de plus en plus exigeante. Recettes originales, accords mets-boissons, packaging innovants… Les initiatives fleurissent pour hisser le « sans alcool » au rang d’expérience gustative à part entière.
Je reste persuadé qu’il y a des choses intéressantes à faire. Il y a encore tellement de pistes à expérimenter !
Christophe Malizia
Nul doute que la créativité des fabricants saura nous surprendre dans les années à venir. Et vous, serez-vous tenté par ces boissons nouvelle génération ? L’avenir nous le dira, mais une chose est sûre : la révolution du sans alcool ne fait que commencer !