Les relations entre la France et le Rwanda ont été profondément marquées par le génocide des Tutsi en 1994. Un quart de siècle plus tard, les plaies restent vives et les questions de responsabilité toujours en suspens. Retour sur les étapes clés de ce chapitre douloureux de l’histoire franco-rwandaise.
Un soutien français controversé avant le génocide
Au début des années 1990, la France apporte son soutien au président rwandais Juvénal Habyarimana, un Hutu confronté à la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) menée par Paul Kagame. Le 6 avril 1994, l’avion du président est abattu, déclenchant des massacres de grande ampleur contre les Tutsi.
La France lance alors l’opération Turquoise, officiellement à but humanitaire. Mais le FPR accuse Paris de chercher en réalité à protéger le régime génocidaire. L’intervention française crée une « zone humanitaire sûre » dans le sud-ouest du pays, freinant l’avancée du FPR qui finira par s’emparer de Kigali en juillet, mettant fin à un génocide qui aura fait plus de 800 000 morts selon l’ONU.
Des relations diplomatiques rompues
En 1998, une mission parlementaire française conclut à « une erreur globale de stratégie » au Rwanda, sans implication directe dans le génocide. Mais pour Kigali, la France est « coupable de crimes de génocide ». En 2006, le juge français Jean-Louis Bruguière recommande des poursuites contre Paul Kagame pour son rôle présumé dans l’attentat contre l’avion présidentiel. Le Rwanda rompt ses relations diplomatiques avec la France.
Vers une normalisation progressive
Il faudra attendre 2009 pour un rétablissement des relations, conforté l’année suivante par la visite à Kigali de Nicolas Sarkozy. Le président français reconnaît alors de « graves erreurs d’appréciation » de la France lors du génocide. En 2018, Paul Kagame salue un nouvel « esprit » dans les relations bilatérales.
La France reconnaît des « responsabilités accablantes »
Le tournant intervient le 26 mars 2021, avec la remise à Emmanuel Macron d’un rapport d’historiens qui pointe les « responsabilités accablantes » de la France dans le génocide, écartant néanmoins la complicité directe. Le 27 mai, le président français prononce un discours historique à Kigali :
En me tenant, avec humilité et respect, à vos côtés, ce jour, je viens reconnaître l’ampleur de nos responsabilités.
Emmanuel Macron, le 27 mai 2021 à Kigali
Paul Kagame salue des paroles ayant « plus de valeur que des excuses ». Mais pour les 30 ans du génocide en 2024, la position française reste inchangée. Le chemin de la réconciliation est encore long.
Une décision de justice attendue
Dans ce contexte, la décision que doit rendre mercredi la cour d’appel de Paris est très attendue. Elle se prononcera sur le non-lieu prononcé en 2023 dans l’enquête sur l’inaction reprochée à l’armée française pendant les massacres de Bisesero en juin 1994.
Pour les parties civiles, majoritairement des survivants tutsi, c’est l’occasion d’obtenir un procès pour juger enfin des responsabilités. Mais selon des sources proches du dossier, la justice pourrait confirmer le non-lieu, privant les victimes d’un procès emblématique.
L’espoir d’un apaisement durable
Au-delà des procédures judiciaires, l’enjeu est de poursuivre le rapprochement engagé entre la France et le Rwanda. Le chemin est encore long pour panser les plaies et établir une relation apaisée, loin des non-dits et des rancœurs.
La reconnaissance par la France de ses responsabilités et les gestes de mémoire comme la visite d’Emmanuel Macron en 2021 ont ouvert la voie. Mais il faudra du temps et une volonté constante de part et d’autre pour bâtir des liens forts et tournés vers l’avenir, dans le respect de l’histoire et en hommage aux victimes.
Les relations France-Rwanda restent un sujet sensible et complexe, entre poids du passé et espoir d’une normalisation durable. La décision attendue mercredi pourrait marquer une nouvelle étape dans ce processus, près de 30 ans après le génocide qui a bouleversé à jamais le destin des deux pays.