Alors que le projet de loi sur la réforme des retraites continue de cristalliser les tensions, le premier ministre Michel Barnier a ouvert la porte à des ajustements. Sans remettre en cause le report de l’âge légal de départ à 64 ans, il s’est dit prêt à « ouvrir le débat » pour « améliorer » le texte. Mais dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, ses marges de manoeuvre apparaissent limitées. Tour d’horizon des pistes envisagées.
Mieux prendre en compte l’usure professionnelle
Depuis le début des discussions sur la réforme des retraites, la question de la pénibilité et de l’usure professionnelle est revenue avec insistance. De nombreux métiers particulièrement éprouvants physiquement craignent de devoir travailler plus longtemps dans des conditions difficiles. Le gouvernement pourrait proposer de renforcer les dispositifs de prévention et de compensation de la pénibilité :
- Élargir les critères du compte professionnel de prévention (C2P) pour couvrir davantage de situations de pénibilité
- Permettre des départs anticipés pour certaines professions usantes non couvertes par des régimes spéciaux
- Majorer les points acquis au titre du C2P pour partir plus tôt ou bénéficier d’une pension plus élevée
« Il faut regarder métier par métier où se situe la pénibilité et apporter les réponses appropriées en termes de prévention, de reconversion et de possibilité de départs anticipés pour ceux qui sont les plus exposés à l’usure professionnelle. »
Michel Barnier, Premier ministre
Favoriser l’emploi des seniors
Reporter l’âge de départ en retraite implique de mieux intégrer les seniors dans l’emploi. Aujourd’hui, leur taux d’emploi reste nettement inférieur à celui des autres tranches d’âge et ils sont souvent poussés vers la sortie en fin de carrière. Plusieurs leviers pourraient être activés :
- Durcir les règles encadrant les ruptures conventionnelles pour limiter les départs contraints des seniors
- Créer un « index seniors » pour valoriser les entreprises vertueuses en matière d’emploi des plus de 55 ans
- Développer la formation et l’accompagnement des seniors vers des secteurs en tension
- Sécuriser les transitions professionnelles en assouplissant les conditions d’accès au cumul emploi-retraite
Réduire les écarts de pension entre les femmes et les hommes
Alors que l’écart de pension entre les femmes et les hommes atteint encore 40% tous régimes confondus, des mesures correctrices sont attendues. La prise en compte des trimestres validés au titre de la maternité et de l’éducation des enfants pourrait être améliorée :
- Revaloriser le montant de la majoration de pension accordée par enfant
- Valider automatiquement 8 trimestres par enfant au lieu de 4 actuellement pour la durée d’assurance
- Mieux compenser les périodes de temps partiel subies en accordant des trimestres supplémentaires
« Quand on regarde la situation des retraites des femmes aujourd’hui, on ne peut pas s’en satisfaire. Il y a un travail de correction et de rattrapage indispensable à mener. »
Élisabeth Borne, Ministre du Travail
Compenser financièrement les mesures d’assouplissement
Toute inflexion sur la réforme des retraites se heurte à une contrainte majeure : l’équilibre financier du système de retraite, déjà fragile, ne doit pas être davantage dégradé. Chaque mesure d’assouplissement devra donc être compensée :
- En accélérant la convergence des régimes spéciaux vers le régime général
- En augmentant temporairement les cotisations retraite, côté salarié comme employeur
- En ralentissant la revalorisation des pensions déjà liquidées
- En réduisant certains « coûts de gestion » du système de retraite
« Il n’est pas question de déséquilibrer davantage le système. Toute mesure prise pour atténuer les effets de la réforme devra être intégralement financée par ailleurs. »
Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie
Au final, si des ajustements sont possibles sur certains points sensibles de la réforme des retraites, ils ne devraient pas remettre en cause ses grands équilibres. Avec un déficit prévu de près de 13 milliards d’euros en 2023, le système de retraite français reste dans une situation critique qui appelle des mesures structurelles d’ampleur. La marge de négociation du gouvernement apparaît étroite, mais indispensable pour tenter d’apaiser un débat de plus en plus inflammable dans un contexte social déjà très tendu.