Face aux terribles incendies qui ravagent la région de Los Angeles, un spectacle insolite s’offre aux regards sur la célébrissime plage de Malibu. Là où se prélassent habituellement les stars hollywoodiennes, c’est un immense village qui a vu le jour pour héberger temporairement les milliers de pompiers venus prêter main forte de toute l’Amérique du Nord. Venus aussi loin que du Texas ou du Mexique, environ 5000 soldats du feu y ont établi leurs quartiers pour manger, dormir et récupérer entre deux plongeons dans l’enfer des flammes.
Le camp de base improvisé, véritable petite ville construite à partir de rien sur le sable doré, permet aux hommes et femmes en uniforme de reprendre des forces. Car leur mission est colossale : depuis une semaine, les incendies qui font rage aux alentours de LA ont déjà coûté la vie à 24 personnes et empêchent toujours plus de 90 000 habitants de rentrer chez eux. Une lutte acharnée qui nécessite une logistique impressionnante.
Une base arrière pour reprendre des forces
C’est donc à « Zuma Beach », juste en dessous des collines en proie aux flammes, que les pompiers venus de tout le continent ont posé leurs valises. Mais ici, pas de parasols ou de châteaux de sable. Les étendards des différentes unités rappellent que la plage s’est muée en camp militaire, symbole de la vaste coopération enclenchée pour venir à bout des multiples foyers.
Pour autant, l’ambiance est aussi à la détente, indispensable pour tenir sur la durée face à un tel défi. Parmi les pensionnaires à quatre pattes du camp, la chienne Ember s’attache à remonter le moral des troupes en échange de caresses. « Lorsque les gens caressent les chiens, leur tension artérielle baisse et ils se sentent bien pendant une minute », explique sa maîtresse Bari Boersma, bénévole spécialisée dans le soutien émotionnel. Une précieuse parenthèse pour ces soldats du feu confrontés à des heures de lutte épuisante contre les flammes.
10 000 calories au petit-déjeuner
Mais le nerf de la guerre reste le ravitaillement. Pour attaquer une longue journée à s’activer dans une chaleur étouffante, il en faut de l’énergie ! Le petit-déjeuner servi sur la plage est donc particulièrement copieux. Lundi au menu : viande, œufs, pommes de terre et pain à volonté. De quoi emmagasiner près de 10 000 calories dès le saut du lit ! Les chefs en uniforme orange qui s’affairent en cuisine ont en effet la lourde tâche de sustenter des miliers de bouches affamées.
Derrière ce ballet en apparence ordinaire, se cache pourtant une particularité bien californienne. Car ces chefs pas comme les autres sont en réalité… des prisonniers ! Recrutés directement depuis leurs cellules par l’État, qui les forme pour lui prêter main forte en cas de coup dur. « C’est un honneur et un privilège d’être ici, de servir la communauté, de payer ma dette à la société », confie Bryan Carlton, 55 ans, en charge de préparer 1500 litres de café en 12h. Certains détenus prolongent d’ailleurs l’aventure en rejoignant les rangs des pompiers à leur sortie de prison.
Le calme avant la tempête
Une fois repus et parés au combat, place aux briefings matinaux pour répartir les troupes sur les différentes zones à traiter. Pendant que les renforts mexicains, chaleureusement accueillis, prennent leurs marques, les pompiers du Colorado savourent le répit offert par le climat californien, bien plus clément que le froid mordant des Rocheuses ! La bonne humeur est communicative tandis que chacun se prépare, vérifie son matériel et troque anecdotes sur les interventions de la veille.
Ironie du sort, c’est justement les vents dits de « Santa Ana », figure typique de la météo locale, qui attisent le brasier depuis une semaine. Et alors que les rafales devraient se renforcer dans les prochains jours, les bataillons anti-incendie ont du pain sur la planche entre nouveaux départs de feu et reprise de foyers mal éteints. Le travail d’équipe et la coordination de cette armée d’un genre particulier seront plus que jamais primordiaux pour éviter le pire.
Mais qu’importent les difficultés et la fatigue, la détermination reste intacte chez ces héros du quotidien. Après quelques heures de repos bien méritées dans leurs quartiers de fortune sous les étoiles de Malibu, ils s’apprêtent à repartir au charbon pour de longues journées en enfer. Une abnégation qui force le respect et l’admiration.
