Face aux vives critiques de la Chine concernant son projet d’acquisition du système de missiles américain Typhon, les Philippines ont fermement réaffirmé mardi leur droit souverain à renforcer leurs capacités de défense. Cet épisode marque un nouveau pic de tensions entre les deux pays riverains de la très convoitée mer de Chine méridionale.
L’annonce lundi par l’armée philippine de son intention de se doter des missiles Typhon pour protéger ses intérêts maritimes a immédiatement suscité l’ire de Pékin. La Chine a qualifié ce projet de « course aux armements » et de « provocation », une rhétorique aussitôt balayée par Manille.
Les Philippines sont un État souverain et ne sont pas la porte d’entrée d’un quelconque pays.
Gilberto Teodoro, secrétaire philippin à la Défense
Une souveraineté philippine réaffirmée
Pour le secrétaire philippin à la Défense Gilberto Teodoro, Manille est dans son bon droit. « Tout déploiement et toute acquisition de moyens liés à la sécurité et à la défense des Philippines relèvent des prérogatives souveraines de ce pays et ne sont soumis à aucun veto étranger », a-t-il martelé dans un communiqué. Le renforcement des capacités militaires philippines « n’est pas dirigé contre un pays spécifique », a-t-il assuré.
D’après des responsables militaires philippins, le système Typhon serait en mesure de protéger les navires jusqu’à 370 kilomètres des côtes, soit la limite des droits maritimes de l’archipel au regard de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Développé par l’américain Lockheed Martin, ce lanceur terrestre de missiles de « capacité moyenne » a une portée de 480 km. Une version à plus longue portée serait même à l’étude.
Le précédent du déploiement américain
Fin avril, dans le cadre d’exercices militaires conjoints, l’armée américaine avait déjà déployé le système Typhon aux Philippines. Malgré les protestations de Pékin qui jugeait ce dispositif déstabilisant pour la région, Washington avait décidé de le maintenir sur place à l’issue des manœuvres. Un précédent qui a sans doute encouragé Manille dans son projet d’acquisition.
L’alliance américano-philippine en toile de fond
Les Philippines sont en effet l’un des plus proches alliés des États-Unis en Asie du Sud-Est. Les deux pays sont liés depuis 1951 par un traité de défense mutuelle. Dans le contexte actuel de compétition stratégique sino-américaine, Washington voit d’un très bon œil le renforcement des capacités de défense de Manille, perçu comme un moyen de contenir l’expansionnisme chinois dans la région.
Regain de tensions en mer de Chine méridionale
Cette passe d’armes verbale intervient dans un contexte de crispation croissante entre les Philippines et la Chine autour des îlots et récifs qu’elles se disputent en mer de Chine méridionale. Pékin revendique la quasi-totalité de cette zone maritime stratégique, au mépris du droit international selon lequel une telle prétention est infondée. La multiplication des accrochages sur le terrain ces derniers mois laisse craindre une escalade.
Face à l’affirmation de puissance de la Chine, les Philippines semblent déterminées à muscler leur défense. Mais en se tournant vers les États-Unis pour acquérir des armements, Manille prend le risque d’envenimer encore davantage ses relations déjà tendues avec Pékin. Une stratégie périlleuse dans une région où la course aux armements s’intensifie et où le moindre incident pourrait dégénérer en confrontation ouverte.
Loin de se cantonner à un simple différend bilatéral, les crispations sino-philippines constituent un baromètre des rapports de force dans la région Asie-Pacifique. Elles illustrent la montée des périls sur fond de compétition acharnée entre la Chine et les États-Unis pour l’hégémonie régionale. Dans ce contexte explosif, les missiles Typhon pourraient bien faire office d’étincelle.