Vendredi 28 juin, les passagers d’un vol Paris-Bamako ont vécu un moment peu ordinaire. Alors que l’avion s’apprêtait à décoller, certains ont remarqué la présence à bord de Moussa, un jeune malien de 25 ans sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Rapidement, l’information s’est propagée dans l’appareil et une mobilisation spontanée s’est organisée pour empêcher son expulsion.
Le hashtag #LibérezMoussa enflamme les réseaux sociaux
Alertés par des messages sur les réseaux sociaux, notamment via le hashtag #LibérezMoussa qui a vite fait le buzz, de nombreux passagers ont décidé de se lever et d’exiger le débarquement du jeune homme. Refusant de s’asseoir tant que Moussa ne serait pas libéré, ils ont contraint le commandant de bord à suspendre le décollage.
Filmée par plusieurs téléphones et rapidement relayée sur internet, la scène a suscité de nombreuses réactions, beaucoup saluant ce geste solidaire tandis que d’autres s’indignaient de cette “entrave à une procédure légale”. Face au tollé, les autorités ont finalement fait descendre Moussa de l’avion, déclenchant une explosion de joie parmi les passagers.
Moussa, un parcours semé d’embûches
Arrivé en France à l’âge de 8 ans, Moussa a grandi dans l’Hexagone où vit toute sa famille. Sans-papiers, il a enchaîné les petits boulots tout en tentant de régulariser sa situation. En vain. Après plusieurs refus, il a reçu en avril une OQTF l’obligeant à quitter la France.
“Je ne comprends pas, toute ma vie est ici. Je n’ai plus aucun lien avec le Mali. Si je suis expulsé, je n’aurai nulle part où aller”
– Moussa, 25 ans
Son histoire, malheureusement, est loin d’être isolée. Chaque année, des milliers de sans-papiers installés depuis longtemps en France, parfois depuis l’enfance, se voient délivrer une OQTF. Un déchirement pour ces personnes qui doivent tout quitter du jour au lendemain.
Une mobilisation citoyenne qui interroge sur la politique migratoire
Au-delà du cas de Moussa, cet épisode met en lumière les limites et les contradictions de la politique d’immigration française. Tandis que le gouvernement affiche sa fermeté sur les expulsions, une partie croissante de la population semble réticente à ces pratiques, perçues comme inhumaines et contre-productives.
- En 2023, la France a prononcé plus de 120 000 OQTF
- Moins d’un tiers des personnes visées sont effectivement expulsées
- 40% des sans-papiers présents en France y vivent depuis plus de 5 ans
Pour beaucoup, plutôt que d’expulser à tout-va, il faudrait faciliter l’intégration de ceux qui ont fait leur vie ici et participent à l’économie du pays, souvent dans des secteurs en tension. Une régularisation qui profiterait à tous, selon eux.
“On ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais on ne peut pas non plus balayer d’un revers de main des gens qui font partie de notre société depuis des années.”
– Cécile, une passagère du vol
Un répit de courte durée pour Moussa
Malgré la mobilisation, le répit n’aura été que de courte durée pour Moussa. Trois jours plus tard, le 2 juillet, il a finalement été expulsé vers Bamako lors d’un vol ultérieur. La préfecture a indiqué avoir pris “toutes les précautions” pour que l’éloignement se déroule “dans les meilleures conditions”. Mais pour le jeune homme, c’est un retour forcé vers un pays qu’il ne connaît plus et où l’avenir s’annonce des plus incertains.
Son expulsion, comme celle de milliers d’autres chaque année, laisse un goût amer et de nombreuses questions en suspens. Jusqu’où ira la mobilisation citoyenne face à une machine à expulser qui semble ne pas vouloir s’enrayer ? Comment concilier humanité et respect du droit dans un dossier aussi sensible et clivant ? Le débat est loin d’être clos et promet encore de nombreux soubresauts.