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Les Parrandas de Cuba : Une Nuit de Fête et de Résilience

À Cuba, les Parrandas illuminent la nuit malgré les coupures d’électricité. Feux d’artifice, chars… Comment cette fête défie-t-elle les crises ?

Imaginez une nuit où l’obscurité s’efface sous une pluie d’étincelles, où des chars gigantesques surgissent de l’ombre pour raconter des histoires fantastiques. À Camajuani, une petite ville au cœur de Cuba, cette scène n’est pas un rêve, mais une réalité annuelle. Malgré les coupures d’électricité qui rythment le quotidien, les habitants se rassemblent pour célébrer les Parrandas, une fête traditionnelle qui mêle joie, créativité et défi. Plongeons dans cet événement unique, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui transforme les nuits cubaines en un spectacle inoubliable.

Une Tradition Ancrée dans l’Histoire

Les Parrandas ne sont pas une simple festivité : elles portent en elles des siècles d’histoires et de cultures entremêlées. Nées au XIXe siècle dans les campagnes de l’île, elles trouvent leurs racines dans un mélange d’influences espagnoles et de traditions africaines. À l’époque, les communautés rivalisaient déjà pour impressionner avec des créations toujours plus audacieuses. Aujourd’hui, cette coutume perdure dans une vingtaine de villages de la province de Villa Clara, dont Camajuani, où elle a pris une ampleur particulière.

Depuis 2018, cette célébration est reconnue comme patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO, une distinction qui souligne son importance culturelle. Mais au-delà des honneurs, ce sont les habitants qui maintiennent cette flamme vive, transformant chaque édition en une explosion de lumière et de vie.

Camajuani : Une Nuit Hors du Temps

Dans cette ville de 57 000 âmes, la fête débute au crépuscule et s’étend jusqu’à l’aube. Les rues s’animent, les regards se tournent vers le ciel où des colonnes de feux d’artifice déchirent la nuit. Sur la place centrale, deux chars monumentaux émergent, chacun représentant un quartier rival : les “Chivos” (les boucs) et les “Sapos” (les crapauds). Ces créations, préparées dans le plus grand secret, sont le cœur de la célébration.

“C’est notre manière d’évacuer le stress, d’oublier les tracas du quotidien.”

– Une ingénieure de 58 ans, admirant le spectacle.

Pour une nuit, les coupures d’électricité, qui peuvent durer jusqu’à 20 heures par jour, passent au second plan. Les autorités locales veillent même à garantir l’alimentation électrique pendant l’événement, un effort rare qui montre l’importance de cette tradition.

Des Chars qui Racontent des Histoires

Les chars ne sont pas de simples décorations : ils sont des œuvres d’art chargées de sens. Cette année, l’équipe des “Sapos” a dévoilé une embarcation de trente mètres, symbolisant le retour d’une enfant prodigue accompagnée de chevaux mythologiques. Une métaphore puissante dans un pays marqué par une vague d’émigration sans précédent depuis quatre ans. De leur côté, les “Chivos” ont opté pour une relecture du Magicien d’Oz, avec un ballon prêt à s’envoler au-dessus des difficultés.

La conception de ces chefs-d’œuvre mobilise des centaines d’habitants : décorateurs, couturières, scénaristes… Tous s’investissent pendant des mois, bravant les aléas des pannes pour façonner des costumes et des structures. Quand l’électricité manque, certains reviennent aux outils manuels, comme la scie traditionnelle, pour ne pas ralentir les préparatifs.

Une Rivalité Joyeuse et Créative

Entre les “Chivos” et les “Sapos”, la compétition est au cœur de la fête. Chaque équipe garde jalousement ses secrets, mais l’humour et les fuites rythment cette rivalité. “Avec les téléphones portables et les réseaux sociaux, difficile de tout cacher !” plaisante un responsable local. Cette légèreté est essentielle : comme le souligne un chercheur interrogé, “une Parranda sans humour n’est pas une vraie Parranda”.

  • Les Chivos : Sous la protection de Sainte Thérèse, ils misent sur des thèmes fantastiques.
  • Les Sapos : Guidés par Saint Joseph, ils explorent des récits symboliques.

Cette émulation dépasse les différences sociales ou politiques. Peu importe les opinions, tous se retrouvent dans la rue pour vibrer au rythme des explosions et des rires.

Un Soutien Venant de Loin

Les Parrandas ne seraient pas possibles sans l’implication des Cubains de la diaspora. Depuis l’étranger, beaucoup envoient du matériel ou des fonds pour soutenir les préparatifs. Un concepteur, revenu d’Espagne après 17 ans, raconte comment il collecte des ressources toute l’année pour contribuer à la fête de son enfance. Ce lien entre ceux qui restent et ceux qui partent renforce la portée émotionnelle de l’événement.

Face aux financements publics limités, cet élan solidaire est devenu indispensable. Il illustre aussi une forme de résilience face aux défis économiques qui touchent l’île.

Défier les Crises par la Fête

À Cuba, les dernières années ont été marquées par des crises multiples : pénuries, inflation, et pannes électriques à répétition. Une coupure générale a même paralysé le pays pendant 48 heures, une semaine avant les Parrandas, forçant un report de la fête. Pourtant, loin de se décourager, les habitants ont redoublé d’efforts pour que la nuit reste magique.

Cette capacité à transformer l’adversité en célébration est au cœur de l’esprit des Parrandas. Les chars, les feux d’artifice, les rires : tout devient une réponse éclatante aux difficultés, une manière de dire que la vie continue, plus forte que jamais.

Un Héritage Vivant

Les Parrandas ne sont pas figées dans le passé. Elles évoluent avec le temps, intégrant des thèmes actuels comme l’émigration ou la débrouillardise face aux crises. Elles restent un miroir de la société cubaine, un espace où se croisent tradition et modernité, unité et diversité.

Pour les spectateurs, c’est aussi une parenthèse enchantée. Monter dans le ballon du Magicien d’Oz ou embarquer sur le bateau des Sapos, c’est s’échapper, ne serait-ce qu’un instant, des réalités parfois lourdes. Et dans cette évasion, il y a une promesse : celle que la fête reviendra, encore et encore, illuminer les nuits de Camajuani.

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