Imaginez une pièce de théâtre qui dérange, provoque et fascine tout à la fois. Une œuvre qui bouscule les conventions, dénonce les travers de la société et explore les tréfonds de l’âme humaine. C’est précisément ce que nous offre la mise en scène audacieuse des Paravents de Jean Genet par Arthur Nauzyciel, actuellement présentée à l’Odéon-Théâtre de l’Europe.
Un scandale théâtral qui résonne encore
Créée en 1966 dans une mise en scène de Roger Blin, cette pièce monstre avait déclenché un véritable scandale à l’époque. Manifestations, censure, indignation… Les Paravents avaient secoué le monde du théâtre et de la société par leur violence, leur crudité et leur anticonformisme. Plus de cinquante ans après, l’œuvre de Genet n’a rien perdu de sa force subversive et de sa modernité.
Les thèmes sont d’une simplicité royale : le vol et la trahison, la crasse et la chierie, les ordures et les orties, les malheurs de la patrie, et le rire, et la haine – et comment c’est après la mort.
– François Regnault, Le Spectateur
Une mise en scène éblouissante et jubilatoire
Arthur Nauzyciel relève avec brio le défi de monter cette pièce fleuve de près de quatre heures. Sa mise en scène éblouissante, servie par une scénographie épurée mais grandiose, sublime le texte de Genet tout en lui insufflant une énergie nouvelle. Les comédiens, époustouflants, se donnent corps et âme pour incarner cette galerie de personnages hauts en couleur, tour à tour grotesques, tragiques ou poétiques.
Véritable prouesse théâtrale, le spectacle nous emporte dans un tourbillon d’émotions et de sensations. Rires, larmes, dégoût, fascination… Nauzyciel joue avec virtuosité de tous les registres pour nous faire vivre une expérience cathartique et inoubliable. Une révolution théâtrale qui bouscule nos certitudes et nous interroge sur la condition humaine.
Les Paravents, miroir grimaçant de l’humanité
Au-delà de la prouesse esthétique, Les Paravents nous renvoient à nos propres noirceurs et contradictions. Dans cette pièce inclassable, qui mêle farce et tragédie, réalisme cru et onirisme, Genet dresse un portrait au vitriol de la société. Famille, armée, religion, morale… Aucune institution n’est épargnée par sa plume acerbe et corrosive.
Genet n’est pas plus antifrançais que Goya anti-espagnol. Elle est antihumaine. Elle est anti-tout.
– André Malraux
Mais au-delà de la charge politique et sociale, c’est bien la condition humaine dans toute sa misère et sa splendeur que Genet explore à travers ses personnages de parias magnifiques. Des êtres en marge, rejetés, humiliés, mais animés par une soif de liberté et de poésie qui force le respect et l’admiration.
Une pièce essentielle à (re)découvrir
Véritableplongée dans les abîmes de l’âme humaine, Les Paravents de Jean Genet mis en scène par Arthur Nauzyciel est un spectacle rare et précieux. Une œuvre exigeante mais ô combien enrichissante, qui nous rappelle la puissance subversive et libératrice du théâtre. Un rendez-vous immanquable pour tous les amoureux de cet art, mais aussi pour tous ceux qui souhaitent vivre une expérience hors du commun, bouleversante et jubilatoire.
Alors n’hésitez plus, et laissez-vous emporter par le souffle épique et poétique des Paravents. Un chef-d’œuvre absolu du théâtre français, magistralement servi par une troupe et une mise en scène d’exception. Genet, poète en temps de détresse, n’a pas fini de nous émouvoir, de nous déranger, et de nous faire aimer la beauté convulsive de l’humanité.
