C’est une page qui se tourne dans l’histoire politique britannique. Les pairs héréditaires, ces aristocrates siégeant de droit à la Chambre des Lords, s’apprêtent à faire leurs adieux au Parlement. Suite à une réforme introduite par le gouvernement travailliste, 92 sièges réservés à la noblesse vont être supprimés, mettant fin à une tradition séculaire qui faisait du Royaume-Uni une anomalie parmi les démocraties modernes.
Une tradition en décalage avec la Grande-Bretagne moderne
Selon une source proche du gouvernement, le Royaume-Uni et le Lesotho étaient jusqu’à présent les seuls pays au monde à encore compter des parlementaires héréditaires. Une particularité jugée « en décalage avec la Grande-Bretagne moderne » par le ministre Nick Thomas-Symonds. La réforme, déjà adoptée par la Chambre des Communes, doit maintenant être examinée par les Lords eux-mêmes.
Le crépuscule d’une époque
Pour les pairs concernés, c’est un changement de vie radical qui s’annonce. Richard Fletcher-Vane, 2e baron d’Inglewood, ne fera bientôt plus le trajet hebdomadaire depuis son château du 14e siècle jusqu’à Londres. À 73 ans, cet ancien secrétaire d’État conservateur et ex-député européen reconnaît le côté anachronique de son titre transmis de père en fils. Mais il défend la contribution des pairs héréditaires :
Je me suis toujours efforcé de prendre cela au sérieux. J’ai été une voix pour le nord du pays.
Richard Fletcher-Vane, 2e baron d’Inglewood
John Attlee, petit-fils de l’ancien Premier ministre travailliste Clement Attlee, se prépare lui aussi à raccrocher la traditionnelle robe rouge garnie d’hermine des Lords. Cet ancien réserviste de 68 ans, qui a fait carrière dans le transport routier, estime apporter une expérience unique au Parlement grâce à sa « vie ordinaire ».
Un processus de réforme au long cours
La suppression des pairs héréditaires est l’aboutissement d’un long processus initié dès 1999 sous Tony Blair. À l’époque, un compromis avait préservé temporairement 92 sièges. Mais comme l’explique Daniel Gover, constitutionnaliste, la question revient régulièrement sur le devant de la scène depuis plus d’un siècle. Beaucoup appellent maintenant à aller plus loin, en remplaçant entièrement la Chambre des Lords par une assemblée élue.
Tourner la page avec philosophie
Si certains pairs regrettent ce départ forcé, d’autres l’envisagent avec plus de recul. Lord Attlee confie ainsi avoir toujours pensé que le système changerait avant son tour. Quant à Lord Inglewood, bien que jugeant la réforme « grossière », il compte sur son expérience de la perte de son siège au Parlement européen pour relativiser :
Je suis passé par cela, il y a une vie après.
Richard Fletcher-Vane, 2e baron d’Inglewood
Nul doute que l’adaptation à cette nouvelle vie sans les lambris de Westminster ne sera pas toujours facile. Mais pour beaucoup, cette réforme marque surtout la fin logique d’une époque révolue, ouvrant la voie à un Parlement plus en phase avec la société britannique du 21e siècle. Une page se tourne, l’histoire continuera de s’écrire.