C’est une petite révolution qui s’annonce sur le marché locatif français. À compter du 1er janvier 2023, les logements classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE), considérés comme des passoires thermiques, ne pourront plus être proposés à la location. Cette mesure phare de la loi Climat et Résilience, adoptée en 2021, vise à accélérer la rénovation énergétique du parc immobilier et à lutter contre la précarité énergétique. Mais quelles en seront les conséquences pour les propriétaires et les locataires ?
Un calendrier de rénovation énergétique ambitieux
La loi Climat et Résilience fixe un agenda contraignant pour la rénovation des logements énergivores. Après les logements classés G cette année, ce sera au tour des logements F en 2028, puis des logements E en 2034. L’objectif est clair : éradiquer progressivement les passoires thermiques du parc locatif. Pour les propriétaires, c’est un véritable compte à rebours qui s’enclenche.
Selon les données de l’État, près de 565 000 logements sont concernés par l’échéance du 1er janvier 2024. Un chiffre conséquent, même si une récente réforme du DPE a permis de réduire le nombre de petites surfaces classées F ou G. Les professionnels de l’immobilier s’inquiètent toutefois de la faisabilité de ce calendrier, jugé trop serré et intenable, en particulier pour les copropriétés.
Travaux de rénovation : le casse-tête des propriétaires
Pour les propriétaires de passoires thermiques, l’heure est venue d’engager des travaux de rénovation énergétique s’ils souhaitent continuer à louer leur bien. Un véritable casse-tête financier et technique pour beaucoup d’entre eux. Selon les cas, le montant des travaux peut en effet rapidement grimper, mettant à mal l’équilibre économique de l’investissement locatif.
Si des aides publiques existent, comme MaPrimeRénov’, elles ne couvrent souvent qu’une partie du coût des travaux. Les propriétaires doivent donc mettre la main au portefeuille ou se résoudre à vendre leur bien. Une situation qui risque de tendre encore davantage le marché locatif, déjà sous pression dans de nombreuses villes.
Des recours possibles pour les locataires
Du côté des locataires, cette interdiction progressive de la location des passoires thermiques est vue comme une avancée pour le pouvoir d’achat et le confort de vie. Victimes de factures d’énergie salées et de logements souvent vétustes, ils disposeront désormais de nouveaux leviers d’action face aux propriétaires récalcitrants.
Car si la location d’un logement énergivore est interdite, c’est parce qu’il sera désormais considéré comme non-décent au regard de la loi. Les locataires pourront donc exiger des travaux, saisir la justice, demander une réduction de loyer ou suspendre son paiement tant que des travaux ne sont pas réalisés. De quoi faire pression sur les bailleurs.
Théoriquement, il ne devrait plus y avoir d’annonces de logements à louer classés G, ni de nouveaux contrats.
David Rodrigues, responsable juridique CLCV
Des zones d’ombre persistent
Malgré ces avancées, des zones d’ombre subsistent quant à l’application concrète de cette mesure. La loi manque de clarté sur certains points, comme la date précise d’interdiction (au 1er janvier pour tous les baux en cours ou seulement au moment de leur renouvellement ?). De quoi semer le trouble chez les acteurs du logement.
Par ailleurs, la question du contrôle et des sanctions pour les propriétaires contrevenants n’est pas tranchée. Sans dispositif contraignant, le risque est grand de voir perdurer la location de passoires thermiques, faute de moyens de coercition suffisants. Un enjeu majeur pour garantir l’effectivité de la loi.
Un défi climatique et social
Au-delà des difficultés de mise en œuvre, l’interdiction progressive de la location des passoires énergétiques reste un levier essentiel de la transition écologique. Le secteur du bâtiment pèse en effet lourd dans le bilan carbone de la France, et la rénovation massive des logements les plus énergivores est une condition sine qua non pour atteindre la neutralité carbone.
C’est aussi un enjeu social, quand on sait que les ménages les plus modestes sont surreprésentés dans les passoires thermiques. Accélérer leur disparition, c’est œuvrer pour réduire la précarité énergétique et les inégalités face au logement. Un défi majeur pour les pouvoirs publics dans les années à venir.
Alors que le compte à rebours a déjà commencé, tous les acteurs vont devoir se mobiliser pour réussir ce pari ambitieux : propriétaires, locataires, professionnels de l’immobilier, artisans du bâtiment, collectivités locales et État. Car c’est bien l’affaire de tous de construire un parc immobilier plus sobre, plus confortable et plus juste.