Le meurtre tragique de la jeune Louise, 11 ans, dont le corps a été retrouvé dans un bois en Essonne, a provoqué une vive émotion en France. Le suspect, un homme de 23 ans, aurait expliqué son geste par un accès de colère suite à une altercation lors d’une partie de jeu vidéo en ligne. Cette affaire relance inévitablement le débat : les jeux vidéo peuvent-ils rendre violent, créer une addiction, modifier les comportements ?
Démêler le vrai du faux sur les effets des jeux vidéo
Face à ce drame, il est tentant de pointer du doigt les jeux vidéo comme responsables. Pourtant, selon de nombreux experts, il n’existe pas de lien direct de cause à effet entre pratique du jeu vidéo et passage à l’acte violent dans la vie réelle. La psychologue Vanessa Lalo affirme ainsi qu’il n’y a « aucun lien » et dénonce un raccourci trop rapide.
Des études nuancées sur l’impact des jeux
Si certaines études ont pu montrer une corrélation entre pratique intensive de jeux violents et montée de comportements agressifs, la plupart des travaux récents relativisent fortement ce lien présumé. Une méta-analyse de 2020 portant sur près de 40 ans de recherche conclut ainsi :
Les preuves d’un lien entre jeux vidéo violents et aggression sont faibles et non concluantes.
D’autres facteurs comme les prédispositions individuelles, le contexte familial et social semblent jouer un rôle bien plus déterminant dans le déclenchement de comportements violents que la seule pratique du jeu.
Addiction aux jeux : une réalité à ne pas négliger
Si le lien avec la violence apparaît donc très ténu, l’addiction aux jeux vidéo est en revanche un phénomène bien réel et de plus en plus reconnu. Depuis 2018, l’OMS a ainsi intégré le « trouble du jeu vidéo » dans sa classification internationale des maladies. Mais là encore, prudence sur les raccourcis :
On estime qu’environ 3% des joueurs présenteraient une addiction. C’est significatif mais cela reste une petite minorité de la population des gamers.
– Indique un addictologue
Pour la grande majorité, le jeu vidéo reste un loisir sain et sans conséquence sur la santé mentale ou les comportements. Mais pour une petite part de joueurs vulnérables, une vigilance s’impose.
Une industrie qui s’insurge contre les amalgames
Sans surprise, ces amalgames entre jeux et violence agacent l’industrie du jeu vidéo. Le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (SELL) dénonce « une confusion des genres » et « un manque de discernement » :
Quel que soit le drame, l’émotion ne doit pas prendre le pas sur la raison. Nous appelons à ne pas céder aux raccourcis et à prendre en compte la complexité des phénomènes de violence.
Les éditeurs rappellent aussi l’existence d’un système de classification par âge (PEGI) pour guider les parents. Et soulignent que de nombreux jeux grand public plébiscités n’ont aucun contenu violent (jeux de sport, de rythme, de réflexion…)
Vers une approche raisonnée et dépassionnée
Au final, au-delà des émotions légitimes suscitées par ce fait divers tragique, il semble important de garder raison. Non, jouer aux jeux vidéo, même violents, ne transforme pas en meurtrier en puissance. Mais oui, pour certains profils fragiles, une pratique excessive peut renforcer une tendance à l’agressivité ou nourrir une addiction.
La clé est donc dans la mesure, l’accompagnement, le dialogue. Plutôt que la diabolisation, mieux vaut miser sur l’éducation aux médias, la sensibilisation des parents, la détection des comportements à risque. Car si les jeux vidéo sont aujourd’hui le bouc-émissaire facile, la racine de la violence est souvent bien plus profonde et complexe qu’il n’y paraît.