Au plus profond de la forêt amazonienne colombienne, le peuple autochtone Awa mène une lutte acharnée pour sa survie. Depuis des siècles, ils résistent vaillamment aux menaces extérieures qui pèsent sur leur territoire et leur mode de vie ancestral. Alors que la COP16 sur la biodiversité se déroule à Cali, leur combat fait écho à celui de nombreux peuples indigènes pour défendre la nature face aux assauts de la modernité.
Un Peuple en Sursis dans une Région Tourmentée
Les quelque 50 000 Awas, aussi appelés « peuple de la jungle », occupent plus de 600 000 hectares de forêts tropicales entre la Colombie et l’Équateur. Mais ce territoire stratégique, corridor du narcotrafic vers le Pacifique, est disputé par trois groupes armés. Pris entre les feux, les Awas sont confrontés à un risque « d’extermination physique, culturelle et spirituelle » selon la justice colombienne.
Malgré des années de violences, avec plus de 200 membres assassinés depuis 1990, les Awas « tiennent bon » et « sont parvenus à maintenir un contrôle sur leurs terres » s’étonne Alex Javier Gonzalez, du gouvernorat local. « Nous sommes les mains vides face aux armes. Mais nous avons le dialogue, nos savoirs ancestraux, notre identité », affirme Olivio Bisbicus, l’un de leurs leaders.
Une Garde Indigène pour Protéger le Territoire
Pour tenter de se réapproprier leur destin, les Awas ont constitué une garde indigène de 2000 volontaires avec des mesures « d’autoprotection ». Armés de simples bâtons, ces gardiens non-violents veillent à l’unité de leur peuple et exigent le respect de leur terre. « Notre territoire n’est pas un champ de bataille » martèle Olivio Bisbicus.
Le narcotrafic amène le vice, la désharmonisation du territoire, la destruction de notre culture et de la nature.
Olivio Bisbicus, leader Awa
Une Connexion Spirituelle à la Nature
Au-delà de la lutte pour leur survie, les Awas incarnent une vision inspirante de la relation de l’Homme à la Nature. « Le territoire est un espace de vie où nous coexistons avec la nature, les animaux et les esprits. La nature est notre mère », explique Wilmer Rigoberto Bisbicus, coordinateur d’une réserve naturelle Awa.
Ce lien spirituel se ressent en marchant à leurs côtés dans la jungle luxuriante. Chaque élément, des cascades purificatrices aux racines tortueuses, fait écho à leur riche cosmogonie. « Nous sommes liés aux quatre mondes : souterrain, humain, des esprits et des dieux. Si nous faisons souffrir l’un, nous faisons souffrir tous les autres », souligne Wilmer.
Nous devons prendre soin de la terre, car c’est d’elle que nous venons, c’est d’elle que nous apprenons et c’est à elle que nous retournerons. Plus nous nous en éloignons, plus nous nous faisons du mal.
Olivio Bisbicus
Un Modèle de Résistance et de Résilience
Le combat des Awas force l’admiration. Pour Gilles Bertrand, ambassadeur de l’UE en Colombie, « ils sont l’exemple type de ces communautés en risque d’extinction qui font preuve d’un grand courage ». Jan Egeland, du Conseil norvégien pour les réfugiés, salue leur détermination : « Ils refusent de plier. Et pour cela ils payent un prix très lourd ».
Malgré les menaces, les Awas s’efforcent de maintenir vivantes leurs traditions à travers des projets comme la réserve naturelle de La Nutria. Sur ces 365 hectares décrits comme un « ambitieux projet de paix et d’écotourisme », la transmission des savoirs ancestraux côtoie la protection d’une biodiversité unique.
À l’heure où l’Humanité s’interroge sur son rapport à la Nature, la lutte et la vision des Awas résonnent comme un appel. Un appel à reconnecter avec l’essentiel, à respecter notre environnement et ceux qui en sont les gardiens séculaires. Car en défendant leur terre et leur identité, c’est un peu de notre humanité que les Awas protègent aussi.