Les derniers développements au Yémen soulèvent de graves inquiétudes selon un rapport d’experts mandatés par le Conseil de sécurité de l’ONU. Les rebelles houthis seraient en train de devenir une puissante organisation militaire grâce à un soutien extérieur “sans précédent”, notamment de l’Iran et du Hezbollah. Quelles sont les implications de cette évolution sur le conflit qui déchire le pays depuis des années ?
D’un groupe local à une force militaire redoutable
D’après le rapport publié vendredi, les houthis ont profité du déclenchement de la guerre à Gaza il y a un an pour renforcer leur coopération avec “l’axe de la résistance” comprenant l’Iran et des groupes comme le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais. Cette situation leur a permis de passer “d’un groupe armé local aux capacités limitées à une puissante organisation militaire”, étendant son influence bien au-delà des territoires sous leur contrôle.
Le rôle clé de l’Iran et du Hezbollah
Cette transformation des rebelles houthis est attribuée au transfert massif de matériel militaire, à la formation des combattants et à l’assistance apportée par la Force Al-Qods iranienne, unité d’élite des gardiens de la révolution, ainsi que par le Hezbollah. Des “centres opérationnels conjoints” auraient même été mis en place en Irak et au Liban pour coordonner les actions militaires.
“L’ampleur, la nature et le volume des transferts par des sources extérieures de matériel et de technologies militaires divers aux houthis, y compris le soutien financier et la formation des combattants, sont sans précédent”
Experts de l’ONU
Les experts notent ainsi des “similitudes entre les différents équipements utilisés par les houthis et ceux produits et utilisés” par l’Iran et les groupes pro-iraniens. Les houthis ne disposeraient en effet pas des capacités pour développer eux-mêmes certains systèmes d’armes complexes.
Une campagne de recrutement massive
Pour gonfler leurs effectifs, les rebelles yéménites ont lancé une vaste campagne de recrutement en utilisant l’argument de solidarité avec les Palestiniens. Le nombre de combattants serait ainsi passé de 30 000 en 2015, à 220 000 en 2022, pour atteindre environ 350 000 mi-2024 selon des estimations citées dans le rapport.
Parmi les nouvelles recrues, on compterait de nombreux jeunes et enfants, mais aussi des migrants éthiopiens en situation irrégulière forcés de rejoindre les rangs, ainsi que des mercenaires issus de tribus éthiopiennes. Si la mobilisation massive de nouveaux combattants inquiète, même s’ils n’iront probablement pas à Gaza, “ils pourraient en revanche être poussés à combattre le gouvernement yéménite”, selon les experts.
Des alliances menaçantes avec des groupes terroristes
Le rapport s’alarme également d’une collaboration “accrue” entre les houthis et le groupe terroriste Al-Qaïda dans la péninsule arabique, avec qui ils s’allieraient désormais contre les forces du gouvernement yéménite. De même, un renforcement des liens avec le groupe islamiste radical somalien des shebab est constaté, avec notamment un transfert d’armes dans les deux sens.
“Selon des sources confidentielles, afin d’étendre leur zone d’opération, les houthis étudient les possibilités de mener des attaques en mer depuis la côte somalienne”
Experts de l’ONU
Quelles conséquences pour le conflit au Yémen et la stabilité régionale ?
La montée en puissance des rebelles houthis grâce au soutien militaire extérieur risque d’entraîner une escalade et un enlisement du conflit dévastateur qui ravage le Yémen depuis 2014. Cela pourrait aussi avoir des répercussions sur toute la région, les houthis cherchant visiblement à étendre leur influence et leurs opérations au-delà des frontières yéménites.
Au final, ce sont les civils yéménites, déjà durement éprouvés par des années de guerre, qui risquent de payer le plus lourd tribut. La communauté internationale et les acteurs régionaux doivent prendre la mesure de la gravité de la situation et tout mettre en œuvre pour freiner cette course à l’armement, faire taire les armes et ramener toutes les parties autour de la table des négociations. C’est une question de survie pour le Yémen et de stabilité pour toute la région.