Les images sont saisissantes : des quartiers entiers de Mayotte rayés de la carte, des amas de tôles et de gravats à perte de vue. Le passage du cyclone Chido a été particulièrement dévastateur pour les habitats les plus précaires de l’île, à savoir les bidonvilles où s’entassent près de 100 000 personnes, en majorité des migrants clandestins venus des Comores voisines. Un drame qui met en lumière les profondes défaillances des politiques publiques en matière de logement et d’immigration sur ce territoire français de l’océan Indien.
40% des logements à Mayotte sont des bidonvilles
Mayotte, 101ème département français depuis 2011, cumule les défis : une croissance démographique exponentielle alimentée par une immigration clandestine massive, une grande pauvreté, des infrastructures sous-dimensionnées. Dans ce contexte, la question du logement est particulièrement préoccupante. Selon des sources proches du dossier, environ 40% des habitations de l’île seraient des bidonvilles, construits avec des matériaux de fortune, sans fondations ni normes de sécurité. Des abris extrêmement vulnérables face aux aléas climatiques comme l’a tragiquement démontré le cyclone Chido.
Une politique volontariste mais insuffisante
Pourtant, la question de l’habitat précaire n’est pas nouvelle à Mayotte. Dès les années 1970, les pouvoirs publics ont tenté d’y remédier via la construction de logements sociaux « en dur » par la Société Immobilière de Mayotte (SIM). Entre 1978 et 2004, plus de 16 000 logements ont ainsi été livrés. Mais cette politique volontariste n’a pas suffi face à la pression migratoire qui s’est accentuée dans les années 1990. Les migrants clandestins, n’ayant pas accès aux logements sociaux, se sont massivement installés dans des bidonvilles tolérés par les autorités. Une « bombe à retardement » dénoncée de longue date par les élus locaux.
L’immigration clandestine, angle mort des politiques publiques
Car le cœur du problème est bien là : l’incapacité des gouvernements successifs à juguler l’immigration clandestine en provenance des Comores. Comme le souligne la sénatrice Micheline Jacques, «tant que l’immigration clandestine ne sera pas endiguée, il semble illusoire de mener des politiques de logement efficaces». Un constat partagé par de nombreux observateurs qui pointent l’inadéquation entre les moyens déployés et l’ampleur du phénomène migratoire. Résultat : une part croissante de la population vit dans des conditions de grande précarité, sans accès aux services essentiels.
L’impact dévastateur du cyclone à Mayotte est lié à la qualité du bâti dans certains quartiers.
Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy
Des normes de construction inadaptées au contexte local
Autre problème soulevé : l’inadéquation des normes de construction définies depuis la métropole avec les réalités climatiques locales. Conçus pour lutter contre la précarité énergétique, les logements sociaux ne sont pas toujours adaptés aux fortes chaleurs et à l’humidité de Mayotte. La corrosion des matériaux y est aussi plus rapide en raison de la forte salinité. Des spécificités qui doivent impérativement être prises en compte dans les futurs programmes de construction.
Sous-estimation des risques naturels
Enfin, les dégâts considérables provoqués par le cyclone Chido mettent en évidence la sous-estimation des risques naturels à Mayotte. Si les cyclones y sont moins fréquents que dans d’autres territoires d’outre-mer, leur intensité peut être dévastatrice comme l’ont montré les événements récents aux Comores. Le manque de « culture du risque » pointé par certains experts a sans doute contribué à la grande vulnérabilité des habitats précaires.
Face à l’ampleur des dégâts, l’heure est à la reconstruction. Mais au-delà de l’urgence, c’est bien une refonte globale des politiques publiques qui s’impose à Mayotte en matière de logement, d’aménagement du territoire et de contrôle des flux migratoires. Un vaste chantier qui nécessitera une volonté politique forte et des moyens à la hauteur des enjeux. Car derrière les images de désolation, ce sont des milliers de vies brisées qu’il faudra reconstruire.