Qui aurait cru qu’au lendemain de violentes émeutes, les habitants de Middlesbrough et Rotherham descendraient main dans la main nettoyer leurs rues dévastées ? C’est pourtant le spectacle édifiant qui s’est offert aux yeux des passants ce lundi matin. Armés de balais et de sacs poubelles, des centaines de citoyens de tous âges et de tous horizons se sont donné rendez-vous dès 8h pour effacer les stigmates d’un week-end de chaos. Une mobilisation aussi rapide qu’inattendue, saluée comme un “merveilleux élan d’espoir et d’unité” par les élus locaux.
“La violence et la haine ne prévaudront jamais ici”
Quelques heures plus tôt, les scènes de guérilla urbaine faisaient pourtant craindre le pire. Mais c’était sans compter sur la résilience et la solidarité des habitants de ces deux villes du nord de l’Angleterre, bien décidés à ne pas se laisser abattre. Le maire de Middlesbrough, Chris Cooke, qui a chaleureusement accueilli les bénévoles rassemblés devant le cénotaphe de sa ville, a eu ces mots forts :
“Les scènes épouvantables dont nous avons été témoins dimanche n’ont pas leur place à Middlesbrough et ne représentent pas la ville diversifiée et accueillante que nous connaissons et aimons tous. La violence et les discours de haine ne prévaudront jamais ici, ni ne briseront le merveilleux esprit communautaire qui est l’incarnation même de cet endroit.”
– Chris Cooke, maire de Middlesbrough
Son émotion était palpable au moment de saluer l’extraordinaire mobilisation matinale de ses concitoyens, “une véritable leçon d’humilité” selon lui, qui devrait rester “l’image durable que les gens ont de notre ville”. Les mêmes scènes touchantes avaient lieu simultanément à Rotherham, autre cité ouvrière également secouée par les violences du week-end.
Les “vrais visages” de la Grande-Bretagne
Ces opérations coup-de-poing citoyen n’ont pas manqué d’interpeller jusqu’aux plus hautes sphères de l’État. La ministre de l’Intérieur Yvette Cooper a ainsi tenu à rendre hommage à ces femmes et ces hommes “qui parlent au nom de la Grande-Bretagne”, bien plus que les casseurs de la veille. Un soutien politique qui fait chaud au cœur, même s’il ne suffira pas à effacer le traumatisme de ces villes meurtries.
Andy McDonald, député travailliste de Middlesbrough, qui a lui aussi retroussé ses manches pour prêter main forte aux nettoyeurs bénévoles, a confié son émotion face à cet “élan d’espoir et d’unité” qui transporte sa ville, persuadé que les émeutiers “regretteront amèrement leurs actions”. Déjà, les dégâts matériels s’effacent sous les coups de balais. Reste désormais à panser les plaies, retisser les liens, et tout faire pour que la haine ne puisse plus jamais défigurer le visage de ces villes résilientes.
Un symbole d’unité face aux fractures
Mais au-delà de la prouesse logistique et du formidable élan de générosité qu’il sous-tend, ce grand nettoyage collectif sonne surtout comme une réponse cinglante à tous les discours nauséabonds qui se sont fait entendre ces derniers jours. Alors que certains agitent sans relâche le spectre d’un “choc des civilisations”, attisant les tensions communautaires, les citoyens de Middlesbrough et Rotherham ont montré que la fraternité n’était pas un vain mot. Chrétiens, musulmans, juifs, athées, conservatives et progressistes, tous unis derrière leurs balais, pas pour “effacer” leurs différences mais au contraire pour célébrer la richesse d’une nation plurielle et apaisée.
Un pied-de-nez aussi à ceux qui voudraient faire de la diversité un ferment de discorde. Comme pour leur rappeler que la stigmatisation est le plus sûr moyen de fracturer une société et de pousser ses forces vives à la confrontation. Le message est clair: c’est dans l’adversité que les communautés font bloc et trouvent les ressources pour affronter ensemble les défis. En redonnant littéralement un coup de propre à leurs rues souillées, les habitants de Middlesbrough et Rotherham ont aussi montré leur détermination à ne pas laisser la violence ternir durablement l’image de leur ville.
Maintenant, place à l’introspection
Si le pire semble avoir été évité, les plaies resteront longtemps à vif. Et ces belles images d’unité et de résilience, aussi réconfortantes soient-elles, ne doivent pas occulter l’immense travail de fond qui reste à mener pour traiter les causes profondes d’une telle déflagration de violence. Car derrière les façades recouvertes de suie se cachent des maux bien réels – pauvreté, chômage, mal-logement, discriminations – qui gangrènent le quotidien de ces villes post-industrielles abandonnées des politiques.
C’est peu dire que l’épisode insurrectionnel du week-end aura servi de brutal électrochoc. Le gouvernement sera attendu au tournant sur sa capacité à ne pas retomber dans ses travers sécuritaires, la tentation des raccourcis identitaires, mais à apporter des réponses fortes et pérennes aux fractures béantes que la crise a révélées au grand jour. Pour que le balai citoyen ne se transforme pas en un simple cache-misère.
En attendant, les habitants de Middlesbrough et Rotherham peuvent être fiers. Fiers d’avoir su rester dignes et solidaires dans la tempête. Fiers d’avoir montré le vrai visage d’une Angleterre qui ne se laissera pas abattre par la haine et la violence. Winston Churchill disait qu’il ne faut jamais gâcher une bonne crise. Gageons que les femmes et les hommes de ces cités meurtries auront à cœur de faire mentir le vieux lion, et de transformer ce moment douloureux en opportunité historique de bâtir une société plus juste et apaisée. C’est tout le mal qu’on peut leur souhaiter.