Les salles de réunion des banques d’affaires résonnent des échos de l’actualité politique ces dernières semaines. L’annonce inattendue de la dissolution de l’Assemblée nationale et les élections législatives qui ont suivi ont en effet bousculé nombre de projets de fusions et acquisitions. Dans ce contexte d’incertitude, les dirigeants d’entreprise et leurs conseils financiers revoient leurs stratégies, mettant souvent en pause les transactions.
Un coup de frein brutal pour un marché en reprise
Pourtant, après une année 2023 morose, le marché des fusions-acquisitions commençait à se redresser en France. Même si la dynamique restait en-deçà des attentes du début d’année et des niveaux observés outre-Atlantique, les six premiers mois de 2024 affichaient un rebond de 21%. Les entreprises tricolores totalisaient alors 75,6 milliards d’euros de cessions ou d’acquisitions selon le fournisseur de données LSEG.
On sent une véritable frilosité dans les entreprises positionnées dans les secteurs dits stratégiques, comme la défense, la tech, la santé ou l’agroalimentaire.
– Hubert Segain, avocat
Mais la dissolution est venue mettre un coup d’arrêt brutal à cette reprise. Passé l’effet de sidération, dirigeants et banquiers ont dû rapidement se remettre au travail pour évaluer les risques pesant sur les opérations en cours ou en projet, explique Emmanuel Goldstein, directeur général de Morgan Stanley.
Seules les cessions très avancées aboutissent
Dans ce contexte, seules les transactions dont le processus était très engagé ont pu être menées à leur terme ces dernières semaines. Les entreprises préfèrent globalement attendre d’y voir plus clair sur le plan politique et économique avant de se lancer dans des opérations de croissance externe d’envergure.
Le marché américain, une opportunité pour certains
Face aux incertitudes hexagonales, certaines sociétés françaises misent davantage sur les acquisitions aux États-Unis, un marché plus dynamique et lisible actuellement. C’est le cas par exemple dans la tech, où des entreprises comme Schneider Electric ou Legrand multiplient les emplettes outre-Atlantique pour renforcer leur présence sur des segments porteurs.
Perspectives mitigées pour la fin d’année
Si le marché devrait rester attentiste cet été, les banquiers espèrent un rebond des fusions-acquisitions à partir de septembre, une fois passées les élections sénatoriales. Tout dépendra de la capacité du gouvernement à rassurer les entreprises et les investisseurs sur sa feuille de route économique. En attendant, les dossiers s’accumulent dans les data rooms, prêts à être réactivés dès que les conditions seront réunies.
Le coup de frein imposé par la dissolution devrait donc n’être que temporaire. Mais il rappelle combien le rythme des affaires reste tributaire du calendrier et des soubresauts politiques. Un paramètre de plus à intégrer pour des dirigeants évoluant dans un environnement toujours plus complexe et volatil.