C’est une décision qui a pris l’Europe de court. Dimanche soir, le président français Emmanuel Macron a annoncé à la surprise générale la dissolution de l’Assemblée nationale, plongeant la France dans une crise politique inédite. Si les dirigeants européens sont pour l’instant restés discrets, l’inquiétude est palpable quant aux répercussions de ce séisme hexagonal sur l’avenir de l’Union européenne.
L’Europe sous le choc
Lorsqu’Emmanuel Macron a lâché sa bombe dimanche soir, ses homologues étaient avant tout concentrés sur les résultats des élections européennes dans leur propre pays. Mais rapidement, la nouvelle venue de Paris s’est répandue comme une traînée de poudre, suscitant la stupéfaction dans les chancelleries du continent.
Ceux qui sont au pouvoir en France ont des raisons d’être terriblement tristes.
– Donald Tusk, Premier ministre polonais
Car la France n’est pas un pays comme les autres en Europe. Membre fondateur de l’UE et deuxième économie de la zone euro, l’Hexagone pèse lourd dans les décisions communautaires. Paris et Berlin forment un tandem moteur sur lequel repose en grande partie l’équilibre européen depuis des décennies. Alors forcément, quand la France vacille, c’est toute l’Europe qui tremble.
Quelles conséquences pour l’UE ?
Pour l’heure, difficile de prédire l’impact exact qu’aura la crise politique française sur le fonctionnement de l’Union. Mais une chose est sûre : l’instabilité gouvernementale qui s’annonce à Paris tombe au plus mal, alors que les 27 doivent gérer de front les conséquences de la guerre en Ukraine, la transition écologique ou encore la réforme de la gouvernance économique européenne.
- Quid des grands dossiers européens portés par la France, comme la taxe carbone aux frontières ou la régulation des géants du numérique ?
- Emmanuel Macron aura-t-il les moyens et la légitimité d’imposer ses vues, affaibli par une Assemblée possiblement hostile ?
- Son gouvernement parviendra-t-il seulement à dégager une majorité stable pour adopter le budget national, préalable indispensable au bon fonctionnement des affaires européennes ?
Autant de questions en suspens qui taraudent les esprits à Bruxelles et dans les autres capitales. Car si les élections anticipées débouchent sur une paralysie politique durable dans l’un des principaux moteurs de l’Europe, c’est la capacité même de l’UE à avancer et à répondre aux crises qui pourrait s’en trouver durablement affectée.
L’extrême droite, grande gagnante ?
Autre sujet d’inquiétude pour les partenaires de la France : la possibilité de voir l’extrême droite sortir renforcée des urnes et venir compliquer un peu plus l’équation politique. Marine Le Pen, donnée en tête des sondages, a déjà prévenu qu’en cas de victoire, elle n’hésiterait pas à utiliser tous les leviers à sa disposition pour imposer son agenda nationaliste et eurosceptique.
Un scénario noir pour l’avenir de l’UE, déjà confrontée à la montée des populismes aux quatre coins du continent. D’autant que le Rassemblement national n’est pas le seul parti à surfer sur le rejet de Bruxelles. La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, créditée d’une dynamique ascendante, ne cache pas non plus son hostilité à certains fondamentaux européens comme les traités de libre-échange.
Le risque existe d’avoir une majorité de députés français ouvertement opposés à la construction européenne telle qu’on la connaît.
– Un diplomate européen
Bref, les jours et les semaines à venir s’annoncent incertains pour la France, et par ricochet pour l’Europe tout entière. Aux commandes d’une UE fragilisée, Emmanuel Macron va devoir redoubler d’efforts pour rassurer ses partenaires et éviter que sa crise domestique ne se transforme en crise continentale. Un défi de taille, à quelques semaines seulement de la présidence française de l’Union qui doit débuter le 1er janvier prochain.
Sans majorité claire et avec la menace de l’extrême droite, le chef de l’État aura fort à faire pour incarner ce fameux « leadership européen » dont il se rêvait le héraut. La dissolution était peut-être un pari risqué. Mais c’est désormais l’Europe qui pourrait en payer le prix.