Au large des côtes normandes, un fascinant patrimoine sous-marin sommeille depuis 80 ans. Vestiges du Débarquement allié en 1944, quelque 150 épaves de navires et engins de guerre gisent au fond de la Manche. Paradis des plongeurs et des archéologues, ces sites uniques au monde pourraient bientôt rejoindre les célèbres plages du D-Day au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Un musée à ciel ouvert au fond de la Manche
Destroyers, barges, chars amphibies… Ces épaves dispersées sur 2000 km2 au large de la Normandie constituent un témoignage unique de l’opération Overlord, le plus grand débarquement de l’Histoire. Malgré les décennies et la corrosion, elles restent encore largement intactes et abritent une biodiversité foisonnante.
Ce trésor subaquatique suscite depuis longtemps la passion des collectionneurs et des historiens locaux. Mais c’est seulement depuis une dizaine d’années qu’un inventaire systématique est mené par le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm). Un travail titanesque qui a permis de répertorier et protéger 150 sites, en vue de leur classement à l’UNESCO.
De par le nombre de sites concernés et leur variété, il n’y a pas d’évènement historique aussi bien représenté par ces vestiges sous-marins.
Cécile Sauvage, archéologue du Drassm
La course contre la montre des archéologues
Mais il y a urgence à étudier et valoriser ce patrimoine unique. Fragilisées par des décennies passées sous l’eau et le travail des ferrailleurs d’après-guerre, ces épaves métalliques subissent une corrosion galopante. Les experts estiment qu’elles auront totalement disparu d’ici quelques décennies.
En parallèle de leur inventaire, le Drassm s’emploie donc à documenter au mieux ces sites uniques grâce à des plongées, des photos, des vidéos ou encore des modélisations 3D. Un travail de fourmi pour constituer de précieuses archives de ce patrimoine éphémère, et appuyer la candidature française auprès de l’UNESCO.
Chars, torpilles et objets du quotidien
Car au-delà de leur intérêt historique, ces épaves regorgent aussi d’objets fascinants, figés dans le temps depuis le 6 juin 1944. Chars, jeeps, torpilles, mais aussi équipements personnels des soldats comme uniformes, gamelles, brosse à dents…
Des reliques bouleversantes, comme les effets personnels du tankiste américain John Glass, dont le char repose au fond de la Manche depuis le Jour J et que sa famille a pu revoir intacts des décennies plus tard. Un plongeon saisissant dans l’intimité de ces jeunes soldats partis libérer l’Europe.
C’est important d’étudier ce patrimoine maintenant. Les épaves ne seront plus là dans quelques décennies.
Cécile Sauvage, archéologue du Drassm
Vers une reconnaissance mondiale
Déposé une première fois en 2018, le dossier de candidature des épaves et des plages du Débarquement en Normandie au patrimoine mondial de l’UNESCO sera réexaminé en janvier prochain. Porté par la région Normandie, il mettra en avant le caractère exceptionnel et universel de ces sites, illustrant un tournant majeur de la Seconde Guerre mondiale.
En attendant, certaines épaves emblématiques comme le Courbet, le Centurion ou le Swift font déjà l’objet d’une protection au titre des Monuments historiques. Une première étape vers une reconnaissance mondiale de cet héritage sous-marin du D-Day, aux côtés des célèbres plages d’Utah, Omaha, Gold, Juno et Sword.