Un vent de délocalisation souffle sur l’industrie européenne. De plus en plus d’entreprises du Vieux Continent choisissent de transférer leurs investissements de l’autre côté de l’Atlantique, attirées par les conditions avantageuses mises en place par le gouvernement américain. Cette tendance, qui s’accélère depuis l’adoption de l’Inflation Reduction Act (IRA) par l’administration Biden, suscite des inquiétudes quant à l’avenir de la base industrielle européenne.
L’IRA, un aimant à investissements
Selon une étude récente du cabinet Trendeo, les investissements des industriels européens aux États-Unis ont bondi de 15% entre 2022 et 2024 par rapport à la période pré-pandémie. Un engouement qui s’explique en grande partie par les mesures incitatives contenues dans l’IRA, un vaste plan de relance adopté en août 2022.
Parmi les dispositions les plus attractives figurent des crédits d’impôts et des subventions pour les entreprises qui investissent dans les énergies propres, les véhicules électriques ou encore les technologies de pointe. Des aides qui peuvent représenter jusqu’à 30% du montant total des investissements, un niveau inégalé en Europe.
L’IRA a changé la donne. C’est devenu beaucoup plus intéressant d’investir aux États-Unis qu’en Europe.
Un dirigeant industriel européen
Une compétitivité américaine renforcée
Au-delà des incitations financières, les entreprises européennes sont également séduites par d’autres atouts du marché américain :
- Des coûts de l’énergie plus faibles qu’en Europe
- Une main d’œuvre qualifiée et flexible
- Des procédures administratives simplifiées
- Un vaste marché intérieur en croissance
Autant de facteurs qui renforcent l’attractivité des États-Unis et poussent de nombreux industriels à franchir le pas de la délocalisation, même partielle, de leurs activités.
L’Europe face au risque de désindustrialisation
Si cette tendance profite à l’économie américaine, elle fait peser de lourdes menaces sur l’industrie européenne. Selon les projections de Trendeo, les investissements domestiques des pays de l’UE pourraient chuter de 20% d’ici 2030 si rien n’est fait pour enrayer le phénomène.
Une hémorragie qui pourrait se traduire par des pertes d’emplois massives et un affaiblissement durable de certaines filières stratégiques comme l’automobile, l’aéronautique ou la chimie. À terme, c’est la souveraineté industrielle de l’Europe qui pourrait être remise en cause.
Nous risquons une désindustrialisation accélérée si nous ne réagissons pas rapidement.
Un responsable européen
Vers une riposte européenne ?
Face à cette situation préoccupante, les appels à une réaction européenne se multiplient. De nombreuses voix s’élèvent pour réclamer la mise en place d’un « IRA européen » qui permettrait de rivaliser avec les mesures américaines.
Parmi les pistes évoquées figurent notamment :
- Un assouplissement des règles européennes en matière d’aides d’État
- La création d’un fonds souverain pour soutenir les industries stratégiques
- Une réforme de la fiscalité pour favoriser l’investissement productif
- Un renforcement des partenariats industriels entre pays européens
Autant de mesures qui pourraient permettre à l’Europe de reprendre la main et d’enrayer la vague de délocalisations. Mais leur mise en œuvre s’annonce complexe et nécessitera une volonté politique forte à l’échelle des Vingt-Sept.
En attendant, la bataille pour attirer les investissements industriels fait rage entre les deux rives de l’Atlantique. Et pour l’heure, ce sont bien les États-Unis qui semblent avoir pris l’avantage, au risque de fragiliser durablement le tissu productif européen.